Des nouvelles du domaine Jules Desjourneys (31/10/16)


 

Je ne vous donne pas souvent de nouvelles du domaine Jules Desjourneys. Et pourtant il y aurait tant à dire... Tant de détails sont affinés chaque année pour la progression des vins, tant de rigueur est apporté au travail des vignes, en vinification et en élevage.

Les 4h30 passées avec Fabien Duperray en ce Lundi 31 Octobre m'ont encore apportées cette sensation qu'on approchait la perfection dans l'expression du gamay, ou plutôt une des expressions du gamay, la plus aristocratique, élégante, où subtilité et profondeur nous rappellent indiscutablement les qualités de bouche des plus grands pinots noir. Auxquelles s'ajoute ce fruit si pur du gamay.

Je vous propose de commencer par un de ces exemples qui fait la différence. Il concerne le sulfitage.

Nous rentrons dans le chai où sont élevés les tout jeunes 2016. Je ressens immédiatement que l'ambiance est chauffée, au-dessus de 20°C. C'est très inhabituel à cette période de l'année, sauf si les fermentations patinent. Je pose la question à Fabien qui m'indique que les fermentations (y compris malos) sont parfaitement terminées.

Alors pourquoi chauffer le chai ?

C'est pour favoriser l'action du SO2.

La plupart du temps, Fabien Duperray ne sulfite pas les vins en cours de vinification. Une vendange particulièrement saine, une hygiène parfaite au chai, une acidité des moûts toujours très bonne (juste maturité et équilibre naturel des vignes cultivées en bio) font que les choses se passent naturellement très bien, sans recours au sulfitage.

Il doit toutefois s'y résoudre pour 2 cuves de 2016, une de Chénas et une de Fleurie.

Outre les analyses des vins qui vont donner des informations précises sur la dose de SO2 à utiliser, Fabien sait qu'à doses égales, le pourcentage de SO2 libre (donc actif) sera d'autant plus élevé que la température sera élevée (une grande partie du SO2 se combine avec différents éléments du vin et devient inactif). Il pourra donc utiliser une dose plus faible en chauffant le chai. Il n'a donc pas hésité à mettre en chauffe tout le chai pour optimiser le dosage du SO2 dans ces 2 cuves. Je n'ai jamais vu cela ailleurs et c'est typiquement le genre d'exemple qui montre que Fabien se donne tous les moyens de faire le mieux possible. Peu importe le coût du chauffage si cela permet de mettre un peu moins de sulfites.

Nous goûtons ces 2016, en primeur si on peut dire.

  • Chénas (première cuve - porte-greffe 50% Viala et 50% 3309) : d'emblée un vin abouti, d'un parfait équilibre, avec des tanins fins et un fruit croquant. Il y a je crois, un beau potentiel.
  • Chénas (seconde cuve - 100% Viala) : plus brouillon à ce stade, une grosse réduction empêchant le vin de présenter tout son potentiel. A revoir. C'est une des 2 cuves que Fabien Duperray doit sulfiter.
  • Morgon (provenant de Corcelette mais vraiment peu cette année en raison de la grêle et surtout Les Micouds qui n'a pas été touché par la grêle) : Le profil est plus austère voire rustique même s'il y a toujours une belle définition de fruit. Les tanins sont sévères à ce stade. L'élevage devra gommer ces imperfections.
  • Moulin-à-Vent (qui comprend cette année les raisins de Chassignol, la récolte est petite et surtout, Fabien tient à présenter un Moulin-à-Vent digne de l'appellation -selon ses critères- car il pense que sans cet assemblage, le vin manquerait de tenue) : C'est un très prometteur Moulin-à-Vent que nous goûtons, bien construit, élégant, avec des tanins de grande classe et une belle pureté aromatique. Le vin est sans doute moins puissant qu'à l'accoutumée, malgré l'apport de Chassignol mais il est d'une grande noblesse.
  • Fleurie (c'est la micro-cuvée de l'année. Il n'y avait quasiment pas de raisins à La Chapelle des Bois en raison de la grêle, et moins que d'habitude aux Moriers. Assemblés, le résultat est de 10 hl en tout... Fabien réfléchit à ne faire que des magnums sur cette micro-cuvée) : Quelle concentration et quelle classe ! C'est un peu comme si tous les éléments du vin avaient été concentrés, sauf les tanins qui sont certes tapissant mais fins et soyeux. Grande profondeur et grand avenir. Réjouissant !

Pour la petite histoire, je n'ai absolument rien perçu à la dégustation mais c'est cette seconde cuve qui doit être sulfitée. Fabien me montre le début de la formation d'un voile en surface de la cuve (levures aérobies).

  • Moulin-à-Vent Les Michelons : le seigneur nous offre -déjà-  une partition sans fausse note, assez similaire au Fleurie dans sa structure, mais dans une version légèrement moins concentrée et surtout d'un raffinement à faire pâlir bien des grands crus bourguignons. Je crois que ce sera très grand.

 

Les vins sont déjà incroyablement bons, j'ai été surpris de ne pas trouver la moindre verdeur, pourtant habituelle à ce stade sur un vin vinifié en grappes entières. Fabien m'indique que les macérations ont été très douces, à peine quelques remontages au seau. On est donc davantage dans le registre de l'infusion plutôt que de l'extraction. Les vins seront sans doute plus fins que par le passé et dotés de tanins plus subtils. C'est en tout cas ce qui est visiblement recherché.

 

J'ai oublié de vous dire que nous avions commencé la dégustation par du vin blanc... Pour ceux qui ne le savent pas encore, Fabien Duperray a produit, en collaboration avec Christophe Thibert, 4 vins blancs en 2014 : Pouilly-Fuissé, Pouilly-Loché, Pouilly-Vinzelles et Saint-Véran.

Pour ne parler que du Pouilly-Fuissé (qui n'est d'ailleurs pas le préféré de Fabien Duperray), je peux vous dire qu'on est dans les hautes sphères du chardonnay. Le style « côte d'orien » est affirmé avec un équilibre pointu et un élevage sous bois parfaitement maîtrisé. Il faut dire que Fabien Duperray vinifie depuis plus de 20 ans avec Arnaud Ente et qu'il savait très bien où il allait quand il s'est lancé à produire des blancs. J'ai adoré l'expression vibrante et la présence du vin en bouche, avec une finale aux fins amers qui font saliver et invitent à se resservir. Le fruit, de parfaite maturité (c'est-à-dire pas trop), n'est pas en reste et s'exprime parfaitement dans un registre plutôt floral et d'agrumes.

Après les rouges, les blancs vont également défrayer la chronique, c'est une certitude. Mais encore un peu de patience, je vous en reparlerai dans quelques temps...