Les jeunes pousses de Lantignié (1/2) : Raphaël Chopin (29/06/17)


Quand on rencontre Raphaël Chopin, ce qui frappe en premier lieu, c'est sa joie de vivre et son sourire communicatif. Toujours positif, il va de l'avant sans aucun formatage, en prenant l'expérience des uns et des autres et en construisant la sienne.

Il s'est installé en 2009 en partant de rien, car si des générations précédentes furent entièrement vouées à la vigne, ce n'est pas le cas de ses parents. Il a récupéré en fermage des vignes qui avaient été travaillées par son grand-père puis par son oncle, principalement sur la commune de Lantignié. Il y produit des Beaujolais-Villages, Morgon (Les Charmes) et Régnié (La Ronze).

Je vous propose un petit tour de ses vignes.

Nous commençons par voir une plantation toute récente en Beaujolais-Villages. Raphaël, qui a la volonté d'avancer petit à petit vers une agriculture biologique, a réalisé cette plantation avec 2 m entre rangs pour pouvoir travailler ensuite les sols avec un petit tracteur vigneron (il déteste les enjambeurs qu'il trouve trop instables).

Avec 80 cm entres ceps dans le rang, cela fait une densité de 6200 pieds/ha environ. Cette plantation comprend moitié blanc (une nouveauté pour lui) et moitié rouge. Il envisage également de planter du gamaret, un cépage récent dérivé du gamay et dont les expérimentations faites dans la région sont très encourageantes (un peu plus de couleur que le gamay, craint moins l'oïdium et le mildiou, intéressant en assemblage avec le gamay mais pas autorisé en appellation pour l'instant).

Nous nous rendons ensuite dans ses vignes de La Ronze, sur l'appellation Régnié. Il y possède 2 vignes de chacune 1 ha en fait. La première, il l'appelle le plantier, terme dévolu normalement aux jeunes vignes mais en l'occurrence, elles sont plus vieilles que lui puisque plantées en 1985 !

 

Sol de La Ronze

Sol de Régnié sur le climat La Ronze

 

Nous observons le sol fait de pierres de granite très altéré et de sables. Un terroir typiquement beaujolais donc. Un sol peu profond qui pourra être facilement travaillé mécaniquement lorsque Raphaël aura pu investir dans le matériel nécessaire. Aujourd'hui, il désherbe encore chimiquement, mais peu. Il n'a fait qu'un seul passage de défoliant cette année. Il faut dire que le sol est pauvre et que les produits utilisés pas ses prédécesseurs, beaucoup plus « puissants » ont une rémanence importante.

 

Effets de la grêle sur un cep de La Ronze

Les effets limités mais notables de la grêle

Les vignes se portent bien, il y a peu de manquants et la vigueur est bonne (Raphaël n'utilise que des engrais organiques). Le feuillage a pris un peu de grêle, et certaines grappes ont été coupées. Il reste 40 à 45 hl/ha sur pieds sur ces jeunes vignes (densité 10 000 pieds/ha).

 

Vieux gobelet de La Ronze

Vieux gobelet de La Ronze

 

La seconde vigne, est une vieille vigne de 70 ans environ. Elle produit la cuvée Caprice. Toujours beaucoup moins productive que les jeunes vignes, elle donne normalement encore 30 à 35 hl/ha, mais cette année, bien qu'elle soit plutôt fraîche, ce sera plutôt 15 en raison de la grêle du mois de Juin... Raphaël va être contraint de l'arracher dans les années à venir car elle est trop peu productive.

Raphaël m'indique également qu'il va récupérer d'autres vignes sur Régnié, au lieu-dit Les Braves, des vignes voisines des parcelles de Charly Thévenet.

Nous faisons un saut sur la vigne de Morgon qui est toute proche, sur le climat Les Charmes. Le terroir y est très similaire, mais un peu plus argileux tout de même, ce qui tend à donner des vins plus en chair. Il n'y a là que des vieilles vignes, provenant de l'exploitation de son oncle. Il n'y a pas beaucoup de manquants, les vignes ont été rebrochées régulièrement et la production y est encore correcte.

Beaux raisins de Morgon Les Charmes

Jolie grappe de Morgon Les Charmes

 

Les vignes sont belles, et les raisins déjà bien formés (prévision de vendanges dans les premiers jours de Septembre).

Côté vinifications, elles sont très traditionnelles globalement au domaine ; sur la quasi-totalité des cuvées, la vendange entière est travaillée en macération semi-carbonique avec des remontages réguliers. Seule la durée varie en fonction du millésime et du profil plus ou moins sérieux qu'il souhaite donner aux vins. Raphaël a fait des essais de macérations carboniques mais il n'a pas été particulièrement séduit par le résultat, il ne souhaite donc pas développer cette manière de vinifier. A noter qu'il a, comme Nicolas Chemarin, une cuve ronde fermée d'environ 1000 l avec laquelle il réalise la cuvée Gaïa ; elle permet un brassage très doux avec 3 à 4 rotations pendant la vinification. Le résultat est toujours superbe mais avec ce type de cuve, on ne peut faire que des productions confidentielles...

En ce qui concerne la protection des vins, le sulfitage est de 50 à 70 mg au total, valeurs très raisonnables mais qui permettent d'avoir une protection efficace.

 

Raphaël s'investit avec d'autres, Frédéric Berne et Cédric Lecareux (domaine des Capréoles) notamment, dans la reconnaissance des terroirs de Lantignié. Un dossier est en cours pour essayer d'en faire le 11ème cru du Beaujolais. Les vignerons ont proposé un cahier des charges à l'INAO pour passer Lantignié en appellation. Ils proposent des normes environnementales plus strictes qu'actuellement sur les autres crus et des rendements plus faibles (45 hl/ha). Bien sûr, tous les vignerons de la commune ne sont pas d'accord avec ça... même s'ils pourront continuer à produire en Beaujolais-Villages avec des rendements plus élevés...

Aujourd'hui, Raphaël a un potentiel de production de 30 000 bouteilles mais la moitié part encore au négoce, il est difficile de trouver des marchés pour les Beaujolais-Villages notamment. La reconnaissance du terroir de Lantignié par un passage en appellation serait une grande évolution et lui permettrait de mieux valoriser ses vins, et donc d'investir davantage.

Souhaitons-lui que cela arrive rapidement !