Michel Redde & Fils

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Défricheurs au sens propre comme au sens figuré, on pourrait appeler les Redde les « dingues de Pouilly ». Les 3 dernières générations à la tête du domaine n'ont eu de cesse d'acheter, de remembrer, de défricher et de replanter pour établir la propriété sur les différents terroirs de l'appellation, terroirs multiples qu'ils souhaitent toujours davantage mettre en avant par un travail parcellaire minutieux. C'est un bien beau domaine parfaitement géré, où les expressions de sauvignon mais aussi de chasselas ne peuvent laisser indifférents les dégustateurs tant leur identité est bien marquée.

 

  • Le domaine :

La famille Redde est une très ancienne famille de Pouilly puisque on retrouve trace d'un Redde (déjà vigneron) à Pouilly-sur-Loire en 1630. Mais l'histoire du domaine actuel débute réellement par le travail de Michel Redde qui agrandit considérablement l'exploitation dans les années 1950 et édifia un caveau de dégustation en bordure de la Nationale 7, caveau qui fût nommé La Moynerie en référence aux moines qui avaient tant œuvré dans les vignes.

Depuis 1966, tous les vacanciers et autres voyageurs traversant le centre par la route bleue ont donc pu s'arrêter au caveau de La Moynerie, ce qui a fortement contribué à la reconnaissance du domaine et à son essor.

Thierry Redde rejoignit ses parents en 1977 et continua à développer le domaine avec le même esprit de recherche de la qualité et d'innovation. Le chai est largement modifié et agrandi en 2001 pour s'étager sur 3 niveaux, permettant ainsi un travail par gravité, partiel dans un premier temps mais qui sera très bientôt (2015) total après que ses enfants Sébastien et Romain aient apporté des améliorations dans l'organisation du cuvage.

 

 
La Moynerie

La Moynerie, au bord de la N7 (crédit photo : www.michel-redde.fr)

 

Ces 2 derniers, arrivés respectivement en 2003 et 2005, sont actuellement à la tête du domaine sous l'œil bienveillant de leur père qui leur laisse toute latitude dans leurs choix, choix qui se sont largement portés vers un travail parcellaire de plus en plus précis, élargissant notamment la gamme de vins par des cuvées représentatives de chaque terroir. Ce travail est en cours et les prochaines années verront de nouvelles cuvées apparaître sur des terroirs particuliers, voire nouveaux. Car c'est un peu la particularité du domaine de découvrir les terroirs...

Le domaine compte 40 ha en propriété aujourd'hui, dont 38,5 ha de sauvignon (en Pouilly-Fumé uniquement) et 1,5 ha de chasselas en Pouilly-sur-Loire. Ils ont également cette particularité de faire partie des derniers vignerons à mettre le chasselas en valeur par un travail de qualité.

 

  • Les terroirs :

Les Redde ont toujours voulu cultiver les 3 terroirs principaux de l'appellation que sont :

  • Les marnes kimméridgiennes à petites huîtres (terres blanches) que l'on retrouve vers Pouilly sur Loire. A l'instar des vins de terres blanches sancerroises, ces derniers sont des vins plus fruités, volumineux, gras, flatteurs.

Les calcaires portlandiens compacts à grain fin (caillotes) qui sont ici comme ailleurs une terre d'élection du sauvignon. Ils se trouvent sur Tracy sur Loire, et donnent des vins crayeux, persistants, avec du fruit également.

 

 
Le Champ des Billons

Le Champ des Billons (crédit photo : www.michel-redde.fr)

 

  • Les silex albiens présents au point culminant de l'appellation à Saint-Andelain. Ce sont des silex rouges, contrairement à Sancerre où ils sont blancs. Michel Redde fut un précurseur en défrichant les bois de Saint-Andelain et en plantant de la vigne sur la butte, secteur qui ne faisait pas partie de l'AOC au départ. C'est lui qui fit découvrir la qualité de ce terroir et entraîna l'engouement pour les silex chez les autres vignerons. Les vins qui proviennent de ce terroir sont très particuliers par leur finesse et leur élégance. Le fruit est peu présent, on sent une minéralité pure avec une persistance saline étonnante.

Depuis 2005, ces 3 principaux terroirs donnent naissance à 3 cuvées distinctes, une parcelle qualitative ayant été choisi pour chacun de ces terroirs : Les Cornets pour les terres blanches, Les Champs des Billons pour les caillotes et Les Bois de Saint-Andelain pour les silex. Les vignes ont environ 30 ans sur chacune de ces parcelles.

Il est prévu de faire bientôt 2 autres cuvées sur 2 autres terroirs de l'appellation. Les calcaires oxfordiens (en plaquettes et non en boules comme les caillotes) sont plus rares que les portlandiens mais le domaine en a des parcelles à Saint-Andelain sur Nohain et Sébastien Redde souhaite en faire une nouvelle cuvée pour identifier les différences de caractère des vins.

Enfin, ils ont lancé un chantier pharaonique dans une ancienne carrière de silex, sur un terrain en friches n'ayant jamais été occupé par la vigne. Il y a là une veine de silex se présentant sous la forme de très gros blocs appelés cuirasses dans un terrain argilo-sableux, les plus gros devant être dynamiter au préalable pour pouvoir préparer le terrain.

 

 
Un chantier pharaonique au Champ des Froids

Etat du terrain après défonçage (les plus gros blocs ont été enlevés)

 

Ils ont acheté là 5 ha de terres qu'ils replantent par partie chaque année depuis 2009. La plantation se fait en sélection massale à 10 000 pieds/ha. Le lieu-dit se nomme Le Champ des Froids, il est exposé plein Ouest et est très tardif. Le problème de cette parcelle est la difficulté pour atteindre la maturité, d'où une densité de plantation plus élevée (en  moyenne, c'est plutôt 7 500 pieds/ha en sauvignon) pour établir une concurrence, faire descendre les racines et améliorer les maturités.

 

 
Jeune plante dans les silex

Jeune plante dans les silex

 

Le travail titanesque ne s'arrête pas à la préparation du sol et la plantation à la barre à mine des jeunes plants... Les premières années, il faut encore ressortir de la parcelle les cailloux trop gros qui remontent lors du travail des sols (car ils sont travaillés !), ce qui a représenté pas moins de 300 tonnes l'année dernière. Les vignes donnent très peu pour l'instant et la cuvée n'est pas encore née. Il faudra être patient mais Sébastien et Romain Redde ne doute pas cela fera un vin exceptionnel, extrêmement silex...

 

Concernant les vignes de chasselas, elles ont été plantées sur des terroirs qualitatifs d'argiles à silex pour lui donner persistance et minéralité. Le domaine possède 4 parcelles de 30 ares environ ainsi que 10 ares en franc de pied plantés à 15 000 pieds/ha. La parcelle la plus qualitative ainsi que les francs de pied composent la cuvée Gustave Daudin, le reste étant assemblé dans La Moynerie.

 

  • Le travail à la vigne :

Il est le plus naturel possible. Le vignoble est traité principalement avec du cuivre et du souffre mais ils ne s'interdisent pas un produit pénétrant voire systémique si c'est vraiment nécessaire dans un millésime difficile. Ils n'utilisent pas d'insecticides, ni d'anti-pourriture.

Les sols sont travaillés.

La vigne est généralement plantée à 7 500 pieds/ha (1,30 m d'inter-rang), plus sur certaines cuvées. Elle est rognée à 1,40 m (contre 1,10 m  en moyenne) pour gagner en maturité, et les vignes sont effeuillées autour des grappes pour favoriser l'aération et garantir un bon état sanitaire des baies.

 

 
Vignes regardant la butte de Sancerre

Vignes rognées à 1,40 m regardant la butte de Sancerre

 

Le chasselas est travaillé avec beaucoup de sérieux pour obtenir des vins de qualité. Ce cépage produisant beaucoup de raisins (ce qui donne des vins faibles en alcool - 8 ou 9°- et très plats), les rendements sont ici réduits à 25-30 hl/ha et la maturité attendue au maximum pour avoir au moins entre 10,5° et 12 ° selon les années.

Concernant les vendanges, seul le Petit Fumé est vendangé à la machine, tout le reste est vendangé à la main en petites caissettes depuis 2007. 

 

 
Caissettes de sauvignon

Vendanges en caissettes de 12 kgs (crédit photo : www.michel-redde.fr)

 

  • Le travail à la cave :

La vendange arrive donc en caissettes au caveau. Selon la qualité de la vendange, celle-ci passe sur la table de tri ou directement en égrappoir et en pressoir. Le jus est pompé dans les cuves (pour l'instant), mais il sera transféré par gravité dès 2015.

Le domaine possède 4 pressoirs pneumatiques qui permettent de faire des pressages séquentiels. Le domaine prévoit d'ailleurs de s'équiper encore davantage à l'avenir en pressoir et en petites cuves pour aller plus loin dans la démarche de vinification parcellaire (le domaine compte environ 40 parcelles).

Si le Petit Fumé est mis en bouteille très rapidement (3 mois d'élevage seulement) et ne connaît que la cuve inox, toutes les autres cuvées sont élevées au moins 10 mois et partiellement (La Moynerie) ou totalement (cuvées parcellaires) en contenants en bois. Ils travaillent avec beaucoup de contenants de tailles et de formes différentes (fûts, demi-muids de 500 ou 600 litres, foudres de 15 à 20 hl, cigares), d'épaisseurs de douelle différentes, et avec 2 chauffes (blonde et moyenne). De cette façon, la micro-oxygénation et la surface de contact avec les lies sont variables et donnent des vins un peu différents. En fin d'élevage, ils font leur choix parmi les différents lots et définissent ceux qui composeront les cuvées parcellaires (2 000 bouteilles environ pour Les Cornets et Les Champs des Billons, 2 500 pour Les Bois de Saint-Andelain). Tout le reste va dans la cuvée La Moynerie (120 000 à 140 000 bouteilles), assemblé avec les cuves qui représentent environ 60% du volume total.

Une cuvée Majorum (vieilles vignes de 45 ans sur 3 parcelles de vignes sur marnes et silex, cuvée réalisée depuis 1973) est également réalisée les meilleures années, elle est élevée de la même façon que les cuvées parcellaires.

La cuvée Gustave Daudin est élevée en demi-muids de 600 litres.

  • Les vins :

La gamme est très cohérente avec des vins à l'identité bien marquée.

Le Pouilly-sur-Loire La Moynerie 2010 est une eau de roche. Il est très peu aromatique ; avec un côté iodé et des notes de fruits secs,  ce vin léger accompagnera des poissons délicats (préférer des poissons d'eau douce).

Le Pouilly-sur-Loire Gustave Daudin 2011 a un volume bien plus important et il ajoute une grande persistance minérale à un ensemble fin et peu acide. A accorder également avec des poissons fins.

Le Pouilly-Fumé Petit Fumé 2013 est un vin facile, sur le fruit, il très expressif avec une belle tension et une trame minérale qui ne trahit pas son origine. Rappelons ici que le terme fumé ne provient pas du goût du vin de Pouilly-fumé mais de la couleur fumée de la pruine des raisins de sauvignon sur l'appellation.

Le Pouilly-Fumé La Moynerie 2012, issu d'un magnifique millésime est déjà un grand vin avec du corps et à l'équilibre parfait. L'assemblage des différents terroirs et élevages apporte une densité et une complétude rarement atteinte sur une cuvée générique de l'appellation.

Le Pouilly-Fumé Les Cornets 2012 (terres blanches) est bien aromatique. Il présente des notes de fruits exotiques, il est gras, dense et gourmand. La minéralité est présente mais bien moins marquée que sur les autres cuvées.

Le Pouilly-Fumé Les Champs des Billons 2011 est issu d'un millésime plus minéral mais il possède un joli fruit tout de même. Son côté crayeux ressort beaucoup en finale avec une belle persistance saline.

Le Pouilly-Fumé Les Bois de Saint-Andelain 2012 est très silex. D'une grande pureté, il peut paraître étriqué mais il se développe en longueur et finit sur une minéralité éclatante.

Enfin, le Pouilly-Fumé Majorum 2011 est légèrement dominé par l'élevage à ce stade. Cette cuvée spéciale qui fût la première de l'appellation (déjà faite par Michel) est à la fois grasse et minérale avec beaucoup de densité. A attendre pour que l'élevage se fonde.

 

Dossier réalisé à partir de la visite au domaine effectuée le 16 Septembre 2014 et s'appuyant également sur la documentation technique remise par le domaine.