Nicolas Chemarin

Nicolas Chemarin

 

Vigneron est parfois un métier ingrat, la difficulté du travail n'étant pas proportionnelle au prix de vente et à la reconnaissance. Nicolas Chemarin le sait parfaitement, lui qui exploite ses côtes de Marchampt en Beaujolais-Villages mieux que certains exploitent leurs côtes d'Ampuis en Côte-Rôtie. Mais l'abnégation et l'intelligence finissent toujours par conduire au succès, et je ne doute pas qu'il viendra dans les années à venir tant la qualité des soins qu'il apporte à la vigne et son intelligence dans les vinifications produisent des vins surprenant de profondeur et de sincérité.

 

  • Le domaine :

Nicolas Chemarin représente la quatrième génération à exploiter des terres à Marchampt. Si son arrière-grand-père faisait de la polyculture, son grand-père n'exploita que la vigne. C'est lui qui acheta la grande bâtisse du domaine et qui construisit la cuverie en béton semi-enterrée encore utilisée aujourd'hui.

 

 
La cuverie du domaine

Le chai et ses cuves en béton construites sur place

 

Son père pris la suite en restant cantonné aux coteaux de Marchampt en Beaujolais-Villages.

Quant à Nicolas, il a tout d'abord fait son apprentissage en Pouilly-Fuissé puis il a travaillé 2 ans chez Louis Tête, où il s'occupait des vinifications. Il était à ¾ temps là-bas et avait un peu de vignes en même temps au départ (2006) puis il s'est décidé à prendre plus de vignes et à ne faire que ça (2008).

Il exploite aujourd'hui 6,5 ha en Beaujolais-Villages (3 ha en fermage à son père et 3,5 ha en fermage à un voisin) ainsi que des Régnié et Morgon (Les Charmes, qu'il a acheté en 2008). Son père qui exploite encore 4,5 ha en Beaujolais-Villages part en retraite à la fin de l'année. Nicolas récupérera les vignes de son père et laissera le fermage du voisin.

 

  • Les terroirs :

Une fois n'est pas coutume, nous allons commencer par les Beaujolais-Villages qui méritent ici d'être mis en avant. Sur les pentes raides (35 à 55 %) qui surplombent les bâtiments du domaine, Nicolas Chemarin exploite 6,5 ha dont un peu de chardonnay. Il y produit 5 cuvées distinctes dont 2 parcellaires.

La première cuvée parcellaire se nomme Le Rocher. Située tout en haut de la côte à 550 m d'altitude, c'est un endroit magnifique qui domine un cirque exposé plein sud. Il y fait très chaud l'été et il y a régulièrement du vent, ce qui en fait un secteur peu sensible aux maladies et à la pourriture. Mais il est tardif évidemment compte-tenu de l'altitude (vendangé le 17 Octobre en 2013). 

 

 
Le Rocher au printemps (2)

Le Rocher affleure

 

Sur des sols rocailleux très pauvres (il n'y a presque pas de sol en fait) reposant directement sur le rocher granitique (qui n'est pas rose ici), les vignes de 25 ans amènent peu de raisins malgré tous les soins apportés par Nicolas, les rendements étant toujours inférieurs à 35 hl/ha. Nicolas explique tout le mal qu'il a d'ailleurs à y installer et à faire prendre les jeunes plants lorsqu'il doit rebrocher, ceux-ci ne donnant des raisins qu'après 6 ou 7 ans.

Les Vieilles Vignes de Jeannot (cuvée produite uniquement les bonnes années, une sur trois en moyenne) représentent 3 parcelles de 60 à 80 ans situées un peu plus bas à l'Est du Rocher. Sur un sol extrêmement pauvre, ces vignes n'ont, malgré leur âge, que très peu de bois, les ceps sont minuscules. 

 

 
Des sols pauvres

Sol rocailleux très pauvre et vieux cep rabougri

 

Elles arrivent d'ailleurs à la fin de leur vie et Nicolas va devoir se résoudre à commencer à les arracher bientôt. En 2013, elles n'ont produit que 5hl/ha pour une moyenne de 30 hl/ha sur l'ensemble du domaine. Il faut dire aussi que le millerandage est particulièrement important sur ces vieilles vignes.

 

 
Un cep prometteur

Millerandage sévère sur un vieux cep bien pourvu

 

La vigne s'est enracinée très profondément pour survivre dans ces conditions et on ne s'étonnera donc pas de trouver une densité peu commune dans ces Beaujolais-Villages.

Les autres parcelles du secteur produisent un vin étiqueté P'tit Grobis que Nicolas veut friand et fruité, sans recherche d'une identité marquée mais apportant beaucoup de plaisir (et pour l'avoir goûté c'est réussi). Elle existe aussi en blanc.

Sur l'appellation Régnié, Nicolas exploite 2 terroirs : Les Bulliats et La Haute RonzeLes Bulliats, au sud de la commune, un terroir classique de l'appellation avec des sols sableux légers et filtrants nés de la décomposition du granite rose. A 280 m d'altitude, c'est le terroir le plus précoce du domaine. La Haute Ronze est située sur un versant très qualitatif de Régnié (qui bizarrement ne fait pas partie à l'origine des surfaces désignés par l'INAO lors de la création de l'AOC) sur le nord de la commune (très proche de Morgon). Les sols sont beaucoup plus profonds, assez argileux, ils donnent des vins charpentés.

Enfin, sur la commune de Morgon, il a acheté 30 ares en 2008 dans le climat Les Charmes. Il va également exploiter en fermage 37 ares en Morgon Corcelette à partir de 2015.

 

  • Le travail à la vigne :

« Pour aller faire des Beaujolais-Villages là-haut, il faut en vouloir ! Ou être né ici...»

Avec des pentes de 35 à 55%, on comprend vite que les vignes ne voient pas souvent de tracteur... Presque tout est fait à la main dans les Beaujolais-Villages (et un peu en quad aussi). Le rognage se fait à la cisaille sur les 6,5 ha !

Nicolas est très proche de ses vignes qu'il cultive de manière plus que raisonnée (un seul passage de défoliant en début de saison pour désherber). Les sols des crus sont travaillés, alors que dans les Beaujolais-Villages, il tond l'herbe tout l'été avec le rotofil.

Concernant Le Rocher, la vigne est travaillée comme en Côte-Rôtie avec un relevage en 2 ou 3 fois sur de grands échalas. Cela a l'avantage d'augmenter la surface foliaire pour favoriser la photosynthèse et faire mûrir les raisins. Il va essayer de conduire ses vignes de Morgon de la même façon.

Un effeuillage est réalisé en partie basse autour des raisins après la véraison pour les aérer et éviter le développement de foyers de pourriture.

 

 
De l'art d'attacher à l'osier
Effeuillage au niveau des raisins
 

Vignes relevées sur échalas de 1,50 m

 

 

Effeuillage au niveau des raisins

 

 
 

Un des avantages du domaine, c'est la différence de précocité des différents terroirs. Il y a toute l'année un étalage des travaux sur 3 semaines, ce qui permet de ne pas avoir de coup de bourre.

 

  • Le travail en cave :

Comme indiqué dans la présentation du domaine, Nicolas Chemarin dispose d'une belle cuverie, pratique (il peut travailler par gravité), semi-enterrée et thermo-régulée. Les grandes cuves béton (60 à 70 hl) construites sur place reçoivent la vendange, avec quelques petites cuves inox pour les micro-cuvées. Il va également acheter une cuve à plafond mobile pour essayer de faire une macération carbonique sur son futur Morgon Corcelette.

Il travaille en vendanges entières (semi-carbonique) sauf le Morgon Les Charmes et les Vieilles Vignes de Jeannot qui sont égrappés à 80% car les grappes sont toutes petites et millerandés, ce qui fait un ratio rafle/jus particulièrement élevé. Il trouve que le fruit est mieux conservé avec cet égrappage.

Il travaille à froid (la température est maintenue à 20° environ) et fait des macérations longues (18 à 20 jours sur les Vieilles Vignes et 25 à 30 jours sur les crus). Les remontages ne sont faits que tous les 3 à 4 jours. Il travaille sans soufre au départ et en met pendant l'élevage selon les millésimes. En 2013, il en a mis 1g/hl fin Avril et a ajusté à la mise. En 2012, il a mis en tout 20 mg/l. Il faut dire que les acidités naturelles sont élevées, ce qui aide à maintenir les vins.

Pour Le Rocher, la vinification se fait en tonneau pendant plus d'un mois, sans soufre. Il ne chaptalise jamais cette cuvée (2011 : 13°8 nature, 2012 : 12° nature et 2013 : 12° nature) mais il peut lui arriver de chaptaliser légèrement sur d'autres cuvées, il n'est pas sectaire sur la chose.

Le Rocher, le Régnié La Haute Ronze et le Morgon Les Charmes sont élevés en fûts (de plusieurs vins) pendant 10 mois environ. A noter que dans les grandes années (2009 et 2011 pour l'instant), Nicolas produit à partir des vins de presse de La Haute Ronze une cuvée particulière qui se nomme L'âge Mûr, élevée 2 ans en fût.

Les cuvées P'tit Grobis sont filtrées sur terre blanche, toutes les autres cuvées sont non filtrées.

 

  • Les millésimes :

2012 est un beau millésime chez Nicolas Chemarin qui a beaucoup moins souffert que les autres dans ce millésime (peu d'orages, peu de maladies sauf sur Les Bulliats). Les rendements étaient corrects (45 hl/ha sur les Beaujolais-Villages, 40 à Morgon, 35 à La Haute Ronze) avec pour résultat un millésime très frais, très beaujolais, mais ne manquant ni de fruit ni de corps.

2013 est un très beau millésime avec moins de rendement que 2012 (30hl/ha) ce qui est très rare dans la région. Il ressemble à 2011 avec un petit peu moins de matière.

 

Dossier réalisé à partir des 2 visites au domaine effectuées les 12 Mai et 27 Août (prises de vues dans les vignes lors des 2 visites).