Le Sauvignon blanc

Grappes de sauvignon le 290814 (Les Chailloux)

Le Sauvignon blanc est un cépage qui a hérité d'une mauvaise réputation. Longtemps, ses inconvénients culturaux (sensibilité au millerandage et à l'oïdium, vigueur trop élevée, difficulté à être récolté) lui ont valu d'être boudé des vignerons, et ses arômes spéciaux ont divisé les consommateurs.

Et pourtant il s'est considérablement développé, comme l'atteste l'évolution des surfaces cultivées. En France, elle est passée de 7 000 ha en 1979 à plus de 29 000 aujourd'hui ; En Nouvelle -Zélande, où les premiers pieds furent plantés il y a 30 ans, il y a désormais 17 000 ha (la moitié du vignoble). Dans les autres grandes régions viticoles mondiales (Australie, Afrique du Sud, Californie), il est généralement le 2nd ou le 3ème cépage blanc cultivé et il est même le premier au Chili (13 000 ha). Ce cépage est ainsi le 5ème en superficie à l'échelle mondiale avec environ 100 000 ha (derrière la Syrah, le Merlot, le Cabernet-sauvignon et le Chardonnay).

Alors comment expliquer ce paradoxe ?

En fait, c'est assez simple. Le Sauvignon est un vin du peuple, sans péjoration. Il est facile à reconnaitre, frais, digeste, brillant, il est apprécié en début de repas où il ouvre l'appétit par son acidité et il s'accorde bien avec nombre de plats. Là où beaucoup de gens y voient donc des qualités, d'autres s'empressent de souligner ses faiblesses lorsqu'il est mal maîtrisé (ou tout simplement récolté immature et à haut rendement) ; car c'est un vin qui peut être agressif, vert, sans matière et simple aromatiquement voire désagréable (les fameuses odeurs de pipi de chat ou de buis sont dues à des thiols variétaux, voire plus loin).

Ce sont les progrès de la viticulture (à commencer par l'usage de la vendange mécanique qui peut donc parfois être vertueuse) qui ont donné ses lettres de noblesse à ce cépage qui profite aujourd'hui d'un engouement mondiale pour les vins blancs secs aromatiques, encourageant ainsi les plantations récentes.

 

Répartition actuelle en France :

En France, le Sauvignon constitue le 3ème  cépage blanc, après l'Ugni blanc et le Chardonnay. Parmi les 20 premiers cépages français, c'est le cépage qui a progressé le plus ces dernières années.

En Val de Loire et dans le Centre, c'est le 3ème cépage le plus implanté après le melon blanc et le chenin, et c'est le seul qui progresse. En Languedoc-Roussillon, c'est le cépage blanc qui progresse le plus avec le Colombard. Dans le bassin aquitain, il est le 2nd cépage blanc après le sémillon. Il se développe également ailleurs où il est souvent le cépage le plus replanté (Sud-Ouest, Charentes, et même en Vallée du Rhône et en Provence)

Sa répartition actuelle en France est la suivante :

  • Languedoc-Roussillon : 8 030 ha
  • Région Centre : 6 580 ha
  • Bordelais : 5 300 ha
  • Sud-Ouest : 4 390 ha
  • Bourgogne : 1 580 ha
  • Pays de la Loire : 700 ha

 

Le Sauvignon en Centre-Loire :

Si le Centre de la France ou le Sud-Ouest sont les deux zones d'origine possibles de ce cépage, cette dernière tenant la corde, c'est particulièrement dans la première que le Sauvignon blanc, sensible à la qualité du terroir, trouve ses plus belles expressions.

Il a d'ailleurs consacré la renommée de l'AOC la plus connue et la mieux vendue de la région : Sancerre. Pourtant, si le vignoble y est très ancien, c'est le pinot noir qui était largement majoritaire dans le sancerrois avant la crise du phylloxéra et même au début du 20ème siècle. Le succès et le développement du sauvignon ne vînt que dans les années 1930 ; depuis, il a détrôné son prédécesseur pour représenter environ 80% de l'encépagement aujourd'hui.

Les autres appellations reconnues que sont Pouilly-Fumé, Menetou-Salon, Reuilly et Quincy ont également un encépagement largement dominé par le sauvignon. On le trouve également abondamment sur les AOC Touraine, Valençay et Coteaux-du-Giennois. Il représente 70% des surfaces et 75% de la production des vignobles du Centre-Loire.

En région Centre, le Sauvignon n'est pratiquement jamais assemblé à d'autres cépages contrairement à beaucoup d'autres, où c'est la règle (Sémillon à Bordeaux, Muscadelle, Ugni Blanc et Colombard dans le sud-ouest et le Languedoc-Roussillon).

A noter tout de même qu'à l'échelle mondiale, n'en déplaise aux français et aux berruyers en particuliers, c'est la Nouvelle-Zélande qui est devenu la référence pour la production qualitative de ce cépage.

 

Ampélographie :

Les origines précises du sauvignon blanc restent inconnues, comme c'est souvent le cas des variétés anciennes. Cité pour la première fois à la fin du 16ème siècle, il se peut qu'il soit un descendant du Savagnin, cépage phare du Jura. Selon l'ampélographe Pierre Galet, il doit son nom aux mots français 'sauvage' et 'blanc', le premier étant particulièrement approprié pour décrire sa forte vigueur qui nécessite une grande maîtrise afin d'obtenir des résultats probants. 

Au cours du 18èmesiècle, il a subi un croisement naturel avec le cabernet franc pour produire le Cabernet-Sauvignon, une découverte qui a incontestablement renforcé sa réputation de cépage qualitatif.

Le sauvignon blanc est connu sous de nombreux noms régionaux : blanc doux, blanc fumé, douce blanche, punechon, puinéchou, punéchou, rouchelin, sarvonien, sauternes, sauvignon blanc, sauvignon fumé, sauvignon saune, sauvignon petit, savagnou, savignon, servonien, sovinjon, sovinon, surin, sylvaner musqué, fié, fumé blanc, gros sauvignon, libournais...

Il existe un ancien cépage, le sauvignon vert ou sauvignonasse, longtemps confondu avec le sauvignon blanc. Il n'est plus cultivé en France où il était pourtant largement associé avec le sauvignon blanc dans le vignoble bordelais, mais on le rencontre encore en Amérique du Sud (Chili), souvent dans des régions qui avaient importé des boutures de ce qu'ils croyaient être du sauvignon blanc. Les vins qu'il donne sont plutôt plats et ternes.

Il y a également le sauvignon gris, ou sauvignon rosé, ou encore fié gris, qui est une forme rose du sauvignon ; les raisins sont d'une teinte subtile, rose cendrée ou grise. Endémique de la Vienne, il est toujours cultivé mais de manière anecdotique. Les vins produits sont plus riches en alcool, moins acides et peuvent être de très bonne qualité.


Agronomie (sélection clonale et porte-greffes) :

L'INRA a homologué 20 clones utilisables sur le sol français. Les clones les plus qualitatifs sont les suivants (plus le numéro est élevé, plus le clone est récent) :

  • 108 : Vigueur et fertilité moyennes. Produit des vins équilibrés et réguliers au nez intense
  • 242 : Productif, il produit des vins aromatiques et équilibrés, typés. Sensible au botrytis.
  • 316 : Porteur du virus de l'enroulement type II. Vins plus acides que la moyenne aux notes muscatées.
  • 530 : Clone plus précoce, apprécié pour ses caractéristiques agronomiques et la qualité des vins obtenus, aromatiques et amples (parfois un peu lourds). Incompatible avec le porte-greffe 3309 C.
  • 905 & 906 : Clones un peu plus précoce et parfois irréguliers selon les situations. Vins obtenus ronds, très typés et aromatiques. Bonne résistance au botrytis.

 

Compte tenu de sa forte vigueur et de son mûrissement tardif, les porte-greffes à préférer sont ceux dont la vigueur conférée est faible à moyenne et plutôt précoce :

  • Riparia Gloire de Montpellier : Très bonne affinité ; il confère une vigueur faible dans les sols pauvres et suffisante dans les sols argileux, favorise la fructification et avance la maturité.
  • 101-14 MG (Riparia x Rupestris) : Vigueur conférée moyenne, cycle végétatif court. Se plaît dans les terres argileuses fraîches, mêmes humides et compactes. Résiste mal à la sécheresse.

Il faut en revanche éviter les porte-greffes sensibles à la carence magnésienne comme le SO4 et le Fercal.

 

Physionomie :

Les jeunes feuilles, duveteuses,  sont de couleur jaune avec plus ou moins de reflets bronzées. Les feuilles adultes sont petites ou moyennes, plus larges que longues, orbiculaires à cinq lobes, avec des dents moyennes à côtés convexes. Leurs nervures ne sont pas pigmentées et le limbe épais est tourmenté, frisé sur les bords avec, à la face inférieure, une faible densité de poils dressés et une densité faible à moyenne de poils couchés.

L'extrémité du jeune rameau présente une très forte densité de poils couchés. Les entre-nœuds sont de couleur verte. Le bourgeonnement est cotonneux blanc à liseré rouge/rosé. Les bois plus âgés sont durs et très cassants, avec de nombreuses vrilles charnues.

 
Feuilles de sauvignon

La fertilité est de 1,6 à 2 grappes par œil débourré ; les bourgeons secondaires sont peu fertiles et la production de grapillons est faible.

Les grappes, cylindro-coniques, sont plutôt petites avec un poids de 140 à 160 g ; elles sont très compactes et le pédoncule est très court (la grappe est presque collée au sarment d'où une certaine difficulté à le récolter). Les baies sont de forme elliptique, petites à moyennes, vert-jaune partiellement dorées à maturité.

 

Pratiques culturales :

Le Sauvignon B est très vigoureux et a tendance à s'emporter en végétation. On doit donc surtout chercher à maîtriser cette vigueur en l'implantant dans des terroirs peu ou moyennement fertiles (graves et argilo-calcaires peu profonds), en utilisant des porte-greffes faibles et en pratiquant une taille adaptée, pouvant être assez généreuse les premières années. Par un palissage soigné et un système de conduite adapté, on doit également chercher à obtenir un micro-climat favorable pour les grappes qui de plus, sont sensibles à la pourriture grise.

C'est un cépage débourrant relativement tôt et au cycle végétatif court. Ses besoins thermiques sont importants pendant la phase débourrement - floraison, puis faibles par la suite. Il préfère les sols frais à alimentation hydrique régulière car il est sensible au stress hydrique.

La taille (10 bourgeons maximum par pied) et un palissage soigné doivent amener à une répartition régulière et aérée des grappes. L'épamprage est indispensable (nombreux entre-cœurs) et les rognages doivent être fréquents ; selon les conditions (climat, exposition), un effeuillage mesuré améliorera la maturation des grappes et contribuera à les maintenir saines.

Cépage productif, les rendements peuvent vite s'emporter, et il faut se limiter à 50 à 60 hl/ha pour obtenir un vin de qualité. En outre, la fenêtre de maturité optimale est courte (5 à 7  jours) et pour en tirer le meilleur (en vin sec), l'usage de la vendange mécanique est souvent à privilégier (cela dépend bien sûr des surfaces exploitées et des moyens humains pouvant être mis en œuvre).

 

Caractère des vins :

On obtient des vins blancs secs très élégants, vifs, équilibrés et typés, que l'on apprécie généralement dans leur jeunesse. Les récentes recherches sur le potentiel aromatique du Sauvignon permettent aujourd'hui, par macération pelliculaire, d'élaborer des vins aux goûts moins végétaux, et caractérisés par un très bel équilibre entre nervosité, onctuosité et puissance aromatique. En vendanges tardives ou en présence de pourriture noble, le Sauvignon peut également participer à l'élaboration de grands vins moelleux ou liquoreux.

La palette d'arômes développés dans les vins issus de sauvignon est particulièrement riche : notes de groseille à maquereau, de poivron vert, kiwi, cassis, fruits de la passion, litchi, orange, pamplemousse, goyave, ortie pilée, feuille de cassis, pêche blanche, nectarine, melon, rhubarbe, asperge... et aussi une touche minérale plus ou moins marquée selon les terroirs. Mais il reste d'une expression assez irrégulière avec parfois des notes végétales et un coté pierreux qui peuvent être désagréables.

 

Les arômes variétaux du sauvignon :

On entend régulièrement parler (en mal plus qu'en bien) des arômes variétaux du sauvignon et on peut parfois lire dans un guide que le vigneron a réussi à produire un vin qui n'est pas trop variétal (et donc meilleur...). C'est en fait un peu plus compliqué que ça.

Il est vrai que le sauvignon est un des cépages le plus facilement reconnaissable en raison de la présence de ces arômes variétaux.

D'ailleurs, cela a été étudié et de tous les cépages non muscatés, le sauvignon blanc est celui dont l'arôme variétal est le mieux connu. En effet, les principaux descripteurs utilisés pour décrire cet arôme correspondent aujourd'hui à une réalité chimique représentée par 3 composés soufrés volatils (thiols) :

  • 4MMP (4-mercaptopentan-2-one), molécule extrêmement odorante, possèdant une odeur marquée de buis et de genêt. Le seuil de perception de cette molécule est de 0,8 ng/l.
  • A3MH (acétate de 3-mercaptohexyle) évoquant des nuances de buis, de zeste de pamplemousse et de fruit de la passion. Le seuil de perception de cette molécule est de 4 ng/l.
  • 3MH (3-mercaptohexan-1-ol) toujours présent dans les vins de Sauvignon blanc, contribuant également aux notes de pamplemousse, d'autres agrumes et du fruit de la passion. Le seuil de perception de cette molécule est de 60ng/l.

Ces composés sont présents dans le moût de raisin, mais ils sont inodores car liés à un acide aminé. On parle alors de précurseurs d'arôme. C'est la fermentation alcoolique (par action d'enzymes produites par la levure) qui les sépare de l'acide aminé.

La quantité finale des composés odorants responsables de l'arôme variétal de sauvignon est très variable en fonction des terroirs, des pratiques culturales et des procédés de vinification. De nombreux travaux de recherche menés par la faculté d'Œnologie de Bordeaux ont permis de comprendre quels étaient les facteurs favorisant le développement des précurseurs dans les baies et ceux favorisant leur libération dans les chais.

 

Accords à table :

Le sauvignon donne des vins avec assez de mordant pour accompagner tous les plats de poisson et c'est un accord tout trouvé avec les fruits de mer. Il réussit bien également à la cuisine thaïlandaise et son acidité caractéristique accompagne parfaitement tous les plats à la tomate.

Mais le meilleur accord, celui qui fait mouche à tous les coups, c'est celui réalisé entre un Sancerre (ou les appellations satellite) et un fromage de chèvre affiné de la même région (vous pouvez choisir un crottin de Chavignol bien sûr, mais aussi un Valencay, un Pouligny Saint-Pierre ou un Sainte Maure de Touraine).