Romain Jambon

Romain Jambon

 

Romain Jambon est un bel exemple de jeune vigneron dynamique récusant l'héritage d'une viticulture beaujolaise de pauvre qualité aux mains du négoce pour voler petit à petit de ses propres ailes. Et comme cela passe souvent par un contre-pied, c'est en créant un nouveau domaine qu'il s'affranchit de ce passé pour mettre en place petit à petit une viticulture appliquée exprimant ses beaux terroirs de Brouilly et sa sensibilité pour des vins mûrs, charnus et profonds.

 

  • La naissance du domaine :

La vigne et lui, c'est une longue histoire. Quatrième génération de la famille à être vigneron, il ne suivra pourtant pas son père (vigneron à Charentay) mais se lancera seul dans une autre exploitation viticole, non loin de là, à Odenas. Après 6 ans d'étude dans le milieu viticole, et l'obtention d'un Brevet d'Etude Professionnel Agricole, d'un Bac Pro Conduite et Gestion d'une Entreprise Agricole, et d'un Brevet de Technique Supérieur Agricole en Technique Commerciale Boissons, Vins et Spiritueux, il travaille 6 mois en Nouvelle Zélande sur le domaine Te Kairanga, et passe également 6 mois en Angleterre lors de ces études. Puis il revient donc dans le Beaujolais pour s'installer à Odenas sous la colline de Brouilly. 

 

 
Sous la colline de Brouilly

Sous la belle colline, au pays des Brouilly

 

En Janvier 2010, à 24 ans, il reprend une exploitation de 7 ha en métayage laissée libre à l'occasion du départ à la retraite d'un vigneron. Il a l'avantage de démarrer son activité avec un outil de production bien dimensionné et adapté (Seules les caves en terre battue ne permettent pas le stockage des bouteilles). Les vins sont stockés ailleurs à Charentay., au cœur de ses vignes puisque 6 ha d'un seul tenant entourent le domaine.

 

 
Domaine Romain Jambon

Vue aérienne du domaine de Romain Jambon

 

Les débuts sont malgré tout difficiles, la plus grande partie de la production part au négoce avec seulement 2 000 bouteilles étiquetées sous son nom en 2010 et 2 500 en 2011. Il faut se faire un nom et ce n'est pas facile (à noter qu'il n'a rien à voir avec Philippe Jambon)... Mais il trace son chemin avec courage et conviction. Il reprend 2,5 ha supplémentaires (des vignes appartenant à sa mère), dont 1 ha de Beaujolais-Villages et 1,5 ha de Brouilly. En 2012 et 2013, il embouteille près de 10 000 bouteilles et commence à se faire connaître et reconnaître par ses pairs. L'objectif est de faire toujours plus de bouteilles dans l'avenir.

 

  • Les terroirs :

Le domaine compte 8,5 ha en appellation Brouilly. Il y a donc 6 ha d'un seul tenant autour du domaine à Odenas, mais également 1 ha devant le château de Pierreux et 1,5 ha sur Charentay.

Les vins mis en bouteille sont faits à partir des vieilles vignes d'Odenas, sur des sols de sables limoneux recouvrant un substratum rocheux peu profond (1 à 2 m). La particularité du site vient de la forte variabilité de ce substratum d'une part (diorite ou granite) et des éléments de texture du sol (Pourcentage cailloux / sable / argiles ou limons). Les pentes sont douces et régulières et les sols filtrants, ce qui en fait un terroir de très bonne qualité pour la culture de la vigne.

 

 
Vignes regardant la tour de la belle mère et Charentay

Vignes regardant le Sud-Est (Tour de la belle-mère et Charentay en second plan)

 

Le meilleur terroir est sans aucun doute celui de La Pointe des Einards, qui est une parcelle de 50 ares reposant sur le granite, ce qui est très rare à Brouilly, et dont le spectre de texture de sol est plus « large » avec une forte proportion de cailloux (roche décomposée) mais aussi une bonne fraction argileuse. C'est un terroir qui est à la fois pauvre, chaud, filtrant, et suffisamment profond pour donner des vins riches et équilibrés avec une remarquable régularité que démontre la dégustation des vins sur 3 millésimes pourtant très différents (2011, 2012 et 2013). Il faut dire aussi que les vignes y sont très vieilles (60 ans environ) et donnent peu de raisins (18 hl/ha en moyenne).

 
Sol de La Pointe des Einards

Le sol de La Pointe des Einards

 

Une autre partie des raisins pris pour ses mises en bouteille est faite sur le coteau qui fait face à celui-ci de l'autre côté du vallon à 400 m de là. Le terroir est similaire mais un peu plus pentu avec une exposition au Nord donnant de vins plus frais. Il s'agit là encore de très vieux ceps donnant justement, lorsqu'elle est produite, la cuvée Les Vieux Ceps.

 

  • Le travail à la vigne :

Le domaine travaille ses vignes en agriculture conventionnelle avec un usage modéré des désherbants.

« Je m'efforce de travailler dans le respect de la faune et la flore, en raisonnant au mieux mes actes, en ne passant pas d'insecticides. Je travaille les sols de mes vignes depuis 2011 afin de pouvoir donner plus de profondeur aux racines de mes ceps, et ainsi gagner en complexité et en arômes. »

Le chemin est encore long et le travail des sols n'est pas égal sur toutes les parcelles. Il faut dire aussi que les vieux gobelets très bas ne facilitent pas ce travail occasionnant beaucoup de casse... D'ailleurs, lorsqu'il devra replantera, il fera très certainement des vignes plus hautes en cordon pour faciliter ce travail, bien que la perte de ce patrimoine de vieilles vignes ne soit pas une perspective réjouissante pour lui.

 

 
La Pointe des Einards le 12 Mai 2014

La Pointe des Einards le 12/05/14

 

Une seule parcelle est pour l'instant travaillée sans désherbant (La Pointe des Einards, 50 ares). L'objectif est de travailler à court terme 4 ha sans désherbant (les plus qualitatifs, ceux qui lui servent pour faire les bouteilles). Ensuite, lorsqu'il aura passé ce cap, il avisera pour le reste du domaine.

Les rendements sont naturellement restreints du fait de l'âge des vignes et de la pauvreté des sols. La « meilleure » année (2011), ils ont atteints 45 hl/ha.

 

  • Le travail en cave :

Ne produisant que du Brouilly, Romain Jambon décline une gamme de cuvées issues de parcelles différentes mais aussi de vinifications, et d'élevage différents.

La vendange est généralement égrappée à 100% (sur le millésime 2013, il a fait 20% de vendange entière sur sa cuvée principale Les Eronnes pour apporter un peu plus de fraîcheur). Les vinifications se font en cuve béton et dans une cuve à plafond mobile pour La Pointe des Einards qui ne représente que 9 ou 10 hl. Les moûts sont levurés pour l'instant (levures starter). Romain réalise un travail intense sur la température en essayant de garder celle-ci à 21°C le plus longtemps possible pour préserver les arômes et les tanins afin qu'ils se libèrent le plus lentement possible.

Les macérations durent 15 à 20 jours pour Les Eronnes et Les Vieux Ceps, avec 2 remontages à l'air par jour durant 2 semaines, puis un par jour pour les derniers jours. Pour La Pointe des Einards, c'est 25 jours de macération avec 2 pigeages, matin et soir, durant les 15 premiers jours, puis un par jour ensuite.

Les élevages se font en cuves émaillées pour Les Eronnes et en fûts (pas de fût neuf) pour les 2 autres cuvées. Les mises sont faites à partir de l'été pour Les Eronnes et après 1 an d'élevage pour les cuvées sous bois. Il n'utilise que très peu de SO2, n'en mettez qu'un petit peu après les malos et puis à la mise bien sûr.

Sur le millésime 2013, il a fait un essai avec une cuvée « tout nature » qui «était toujours en cours de fermentation en Mai 2014.

 

  • Les vins :

 

Les Eronnes 2011 : D'une couleur rouge vive, c'est un vin frais fruité, marqué par les fruits rouges (cerise). Il possède un bon fond pour une « entrée de gamme » et des tannins bien présents mais parfaitement civilisés qui en feront une belle bouteille dès 2014 et pour quelques années. Il sera parfait en accompagnement de viandes rouges grillées.

Les Vieux Ceps 2011 : Robe plus dense, grenat foncé. Le profil aromatique est davantage sur les fruits noirs (cassis, mûre) avec un léger côté épicé. Si le vin est puissant, les tannins sont très soyeux et permettront une dégustation dès aujourd'hui également, même si 3 ou 4 ans de plus en bouteille permettront d'avoir un ensemble plus complexe et fondu. Des viandes en sauce ou de gibiers à plumes seront plus indiqués avec ce vin.

La pointe des Einards 2011 : Même profil avec encore plus de densité et des tannins plus présents, bien que toujours ronds et soyeux. Quelques notes poivrées et épicées plus intenses rappellent l'élevage sous bois, sans dominer. Finale longue et impression de volume. C'est une superbe bouteille à réserver à des viandes de caractère (gibiers à poils).

 

Dossier réalisé à partir de la visite au domaine effectuée le 12 Mai 2014 (yc les prises de vues dans les vignes).