Le millésime 2021 en Beaujolais

 

Un millésime à l’ancienne…

… une parenthèse dans la succession de millésimes chauds de notre « nouveau » climat. Voilà à quoi ressemble 2021 qu’on aurait sans doute qualifié d’année classique dans les années 1970-1980 mais qu’on voit comme un millésime froid désormais.


 

La vigne en 2021


 

Les vignerons de presque toutes régions se souviendront de 2021 comme leurs pères se souviennent de 1991, une année de gelée noire dévastatrice. Une semaine de grande douceur fin Mars qui donna le feu vert à la vigne puis deux de froid très sévère, voilà le pire scénario possible à cette période pour les vignerons, maraîchers et arboriculteurs... Une catastrophe qui était inévitable pour la plupart, une longue lutte souvent vaine pour d'autres, et peu qui s'en sortent finalement sans conséquences. Ce sont les cépages les plus tardifs de chaque région qui s'en tirent le mieux, le débourrement n'était pas encore fait et les bourgeons encore résistants à des températures qui ont souvent atteint -5 / -6°C. Heureusement pour le Beaujolais, le chardonnay y est peu cultivé et le gamay noir fait partie des cépages plus tardifs. Si certains crus ont été localement bien touchés (Fleurie et Moulin-à-Vent particulièrement), d’autres s’en sortent avec très peu de dégâts (Morgon), la situation est donc hétérogène mais pas catastrophique comme dans le Mâconnais par exemple.

 

2021_1

Un cep aux bourgeons grillés par le gel, ils sont nombreux cette année à la mi-Avril...


 

La deuxième quinzaine d’Avril est en revanche tout à fait conforme à cette période printanière, les vignes pas trop touchées peuvent donc reprendre leur croissance normalement.

A partir de Mai, un temps humide et instable s’installe durablement (Cumul de 143 mm et 16 jours de pluies en Mai, 92 mm et 12 jours en Juin, 155 mm et 15 jours en Juillet !). C’est 2 fois plus que les précipitations normales sur ces 3 mois (et on n’avait plus connu ça depuis 1977) et bien entendu cela oblige les vignerons à multiplier les passages dans les vignes pour désherber, rogner, et surtout traiter pour lutter contre les maladies cryptogamiques, d’autant que les températures sont douces donc propices à leur développement. Lorsque la véraison arrive, vers le 5 Août (3 semaines plus tard qu’en 2020), c’est un soulagement pour eux qui n’avaient plus connu une année aussi épuisante depuis bien longtemps.

 

2021_2

Bel état sanitaire des vignes chez Daniel Bouland, mais au prix d'un travail acharné !


 

A partir du 12 Août et jusqu’aux vendanges, l’été arrive enfin, le temps se mets au beau et au sec avec des températures de saison. Ce dernier mois estival va sauver la récolte en lui permettant de mûrir et de rester saine, sauvant des eaux le millésime.

Le ban des vendanges est fixé au 13 Septembre, ce qui en fait le 4ème millésime le plus tardif des 30 dernières années.


 

Qualité de la vendange 2021


 

L’état sanitaire des raisins est correct grâce à ce dernier mois favorable, mais reste hétérogène, tout comme la quantité. Entre vignes gelées, localement grêlées, et avec le développement fréquent du mildiou, il n’est pas rare de n’avoir qu’une demi-récolte en 2021, avec parfois un tri supplémentaire à effectuer pour éliminer les baies abîmées.

 

2021_3

Beaux raisins du bas de la Côte du Py vendangés dès le 13/09/21


 

Le temps frais et sec de la deuxième quinzaine de Septembre permet de vendanger dans de bonnes conditions avec une évolution lente des maturités, les raisins conservant une acidité élevée qui sera le fil conducteur des vins du millésime. Les degrés alcooliques sont de fait très modérés, les vignerons « qualitatifs » récoltant entre 12° et 13°. D’autres sont un peu en-dessous de 12°C, et les chaptalisations qu’on n’avait plus vues depuis 5 ans font leur retour.


 

Les vins de 2021


 

Qui dit année fraîche dit donc acidité, le millésime n’en manque pas. Mais le gamay lorsqu’il est bien vinifié ne manque jamais de fruit non plus et cela se vérifie sur beaucoup de vins.

Les limites du millésime tiennent à la maturité phénolique souvent incomplète et à des rafles restées bien vertes. Ecarter les rafles (au moins en partie) et/ou ne pas trop extraire étaient les meilleures options pour éviter les goûts végétaux et les tanins durs. Beaucoup l’on fait, certains ont préféré faire comme d’habitude, pour un résultat rarement au rendez-vous, à 2 ou 3 exceptions près ; il fallait cette année beaucoup de patience et un tri drastique pour obtenir des vins de garde complets et séduisants.

En revanche, des vins au fruit charmeur, acidulés, croquants à souhait ont vu le jour en beaucoup d’endroits, il faut les cueillir dans leurs premières années, ils nous permettent de patienter pour des millésimes qui ont besoin de garde comme 2020.