Le millésime 2014 en Beaujolais

2014 partait sous de mauvais présages pour les vignerons du Beaujolais dont la mémoire des derniers millésimes en 4 faisait craindre une petite année, ce qui aurait été très dur après 2 millésimes aux rendements faibles. Mais la malédiction s'est finalement interrompue...

 

La vigne en 2014

L'hiver 2013-2014 fût plus chaud que la normale, entraînant un débourrement précoce au tout début du mois d'Avril. En dehors d'une toute petite gelée en plaine le 20 Avril avec seulement quelques ceps touchés, le cycle végétatif démarre sous de bons auspices avec beaucoup de soleil, des températures élevées le jour et peu de pluie, dont les vignes n'avaient de tout façon pas besoin compte-tenu des bonnes réserves des sols. Il y a bien une petite averse de grêle localement le 13 Mai mais sans véritables conséquences. Le vent souffle fort ensuite du 15 au 17 Mai, il sèche le vignoble et casse quelques tiges ici et là, sans trop de dégâts non plus. 

 

 
IMG_0900

Vignes en pleine forme avant la fleur (10/05, Fleurie Les Moriers, Domaine Chignard)

 

La floraison n'est finalement pas si précoce, notamment en raison des nuits de Mai qui restent fraîches. Elle débute entre fin Mai et début Juin et se déroule globalement dans de bonnes conditions. Sur les secteurs précoces, elle arrive vite mais traîne un peu alors que sur les secteurs plus tardifs, elle est exceptionnellement courte (4 à 5 jours), ce qui est bien pour l'homogénéité de maturité des raisins aux vendanges.

La fleur indique alors des vendanges pour début septembre.

En Juin, il y a toujours un peu de vent, le temps est sec sauf le 10 Juin où il tombe entre 20 et 30 mm selon les secteurs, ce qui fait du bien aux vignes. Celles-ci sont remarquablement saines et en pleine forme à la fin du printemps (pas une seule tâche de mildiou fin Juin). En revanche, il y a quelques vignes touchées par le ver de la grappe (plus que les autres années), en particulier sur la Côte de Brouilly et la Côte du Py, ce qui peut éclaircir un peu les grappes.

 

 
Sortie de raisin au Py le 160614 (ver de la grappe)

Jeune grappe « éclaircie » par une attaque de ver de grappe (16/06, Morgon Côte du Py, Domaine Jean-Marc Burgaud)

 

Arrive Juillet qui débute comme Juin mais tourne assez vite à la fraîcheur (il fait moins de 20°C l'après-midi la semaine du 7 au 14 juillet) ; peu de soleil, des nuages et des cumuls d'eau avoisinant 100 mm sur le mois (ce qui n'est pas énorme mais on bat tout de même le record du nombre de jours avec de la pluie : 14 !). Contraste étonnant, une vague de chaleur très brève mais intense passe du 15 au 19 Juillet : le thermomètre monte à 35 °C et le soleil vif grille les baies les plus exposées. Il y a également quelques orages de grêle (peu étendus) qui toucheront comme bien souvent les secteurs de Juliénas et de la Côte de Brouilly. Avec cette humidité, le travail dans les vignes est important, il y a beaucoup d'herbe et l'oïdium se développe par endroit, les ceps les plus feuillus étant plus touchés. La pression sanitaire reste toutefois très modérée en raison des températures globalement fraîches (surtout la nuit).

 

 
Véraison (7)

Véraison dans les premiers jours d'Août (08/08, Juliénas La Bottière, Domaine David-Beaupère)

 

Août est gris, avec un déficit de 40 heures d'ensoleillement sur une année normale. Les températures sont modérées et l'humidité reste élevée avec notamment un peu de pluie tous les jours du 7 au 15 Août, ce qui fait repousser l'herbe au fur et à mesure que les vignerons l'éliminent... La pression sanitaire augmente alors avec l'arrivée du mildiou mais la véraison étant passée, les conséquences sur les vendanges seront quasi-nulles. Plus problématiques, des foyers de pourriture grise se développent là où les grappes sont grosses et/ou mal aérées.

 

 
Grappe de gamay Chassignol le 27 Août 2014

Dans les vignes cultivées en bio, l'herbe est souvent haute (27/08, Chénas Chassignol, Domaine Thillardon)

 

A partir du 27 Août, les vignerons peuvent enfin souffler, le temps gris est derrière eux et les dernières semaines de maturation sont ensoleillées, avec des journées chaudes et des nuits fraîches. Le mois de Septembre ne connaîtra d'ailleurs que 2 averses, la première orageuse dans la nuit du 8 au 9 septembre apportant tout de même jusqu'à 50 mm sur certains secteurs (Fleurie, Morgon, Chiroubles, Régnié en particulier) juste avant les premiers coups de sécateur, faisant gonfler les baies.

 
Les beaux raisins de la côte du Py

De belles petites grappes en parfait état avant les vendanges (11/09, Morgon Côte du Py, Domaine Louis-Claude Desvignes)

 

Les vendanges débutent réellement dans les crus vers le 10 septembre, elles seront assez courtes en raison de l'homogénéité des maturités et du temps agréable qui permet de cueillir dans de bonnes conditions. Les pH étant bas et les degrés alcooliques ne grimpant que lentement, chacun peut attendre la maturité optimale sereinement. Le 27 Septembre, tout le monde ou presque a terminé.

 

La qualité de la vendange

Avec des rendements corrects, les vignerons beaujolais retrouvent le sourire. Entre 30 et 40 hl/ha chez les bios, 40 à 50 hl/ha chez les bons en agriculture conventionnelle, et parfois beaucoup plus sur pieds pour les autres (au moins 70, voire 80 hl/ha), ce qui me fait toujours m'interroger sur la destination des surplus... enfin, là n'est pas le sujet.

Les principaux écueils de cette année étaient la pourriture grise (premiers foyers début Août, se développant parfois largement en raison de l'humidité sur les grappes grosses et/ou mal ventilées) et la dilution en raison de l'humidité importante et en particulier de l'averse orageuse du 9 septembre.

Pour la pourriture, le principe est simple, il suffit de trier, encore faut-il le faire... Dans ce cas, c'est donc la qualité du vigneron qui fera la différence.

Pour la dilution, c'est plus compliqué parce que si le raisin est à peine mûr et que vous aviez prévu de vendanger le 12 ou le 13 (une grande majorité des cas...) avec une troupe de 40 personnes réservées depuis 1 mois, c'est autant de jours pendant lesquels le raisin va gonfler et il faudrait ensuite attendre pour qu'il reperde cet excès d'eau... Dans ce cas, ce n'est donc pas le vigneron mais principalement le terroir qui fera la différence, en favorisant (ou pas) le drainage de l'eau et l'assèchement des baies.

Sinon, avec une maturation lente ayant permis de conserver des acidités hautes et d'atteindre des degrés alcooliques normaux associés à une bonne maturité phénolique, la qualité de la vendange 2014 est tout simplement belle !

 

Les vins

Les 2014 ont en commun un très beau fruit frais très expressif, des degrés alcooliques modérés (11,5° à 12,5° plus rarement 13°) et des pH bas. Les équilibres sont excellents en bouche, on ne décèle ni rusticité, ni amertume, ni creux même si la matière n'est pas des plus imposantes. 

On a donc là un très bon millésime de plaisir qu'il ne sera pas forcément nécessaire d'attendre longtemps pour l'apprécier. Beaucoup de crus pourront être ouverts dans les 3 premières années y compris sur des terroirs réputés pour la garde. Les vins les plus construits auront sans aucun doute un potentiel de garde de 10 ans et plus mais ils seront assez peu nombreux.

 

Dossier mis à jour le 11 Juillet 2015.