Dégustation des 2019 de Daniel Bouland (20/02/20)


 

Après des 2018 parfaitement maîtrisés dans un contexte climatique assez favorable il faut bien le dire, place aux 2019 pour lesquels les conditions furent plus variables tout au long du cycle végétatif. Voyons comment les vins de Daniel se présentent en ce mois de Février.

Comme pour 2018, Daniel a eu un rendement conforme à ces attentes (50 hl/ha), ce qui lui permet de vinifier tous ses terroirs de manière séparée. Les mêmes cuvées seront donc reconduites à l’identique. Il m’indique ne pas avoir eu de difficultés particulières pendant les vinifications, plus faciles qu’en 2018. Les fermentations ont été rapides avec la particularité de monter assez haut en température (34/35°), ce qui était nécessaire selon lui cette année pour aller chercher de la couleur et des tanins qui étaient mûrs mais moins nombreux qu’en 2018. Les degrés sont similaires à ceux de l’an dernier (toutes les cuvées entre 13°6 et 14°2) mais Daniel m’indique que les pH plus bas ont favorisé le travail des levures.

Nous goutons toutes les cuves séparément, sur des échantillons préparés la veille pour les mettre à bonne température. Pour info, le numéro des cuves vient de l’ordre dans lequel les vendanges ont été conduites. Les vins ont reçu 30 mg/l de SO2 après malo et rien depuis.

 

  • Chiroubles Chatenay 2019 (cuve n°11, la dernière ramassée comme d’habitude…) : Cuve en fibre de verre. 14°

Ce premier vin donne la tendance des couleurs de robe des 2019 avec une intensité colorante un peu plus faible qu’en 2018, mais toujours autant d’éclat. Le vin présente une légère réduction (ce sera le seul). Le nez est frais, sur les fruits rouges, déjà bien ouvert. En bouche, le vin est souple, soyeux et très peu tanique. On retrouve les fruits rouges acidulés avec autant d’éclat qu’au nez. Plus énergique que 2018, mais moins concentré. Très bon, un canon avec un très fort coefficient de « buvabilité ».

 

  • Côte-de-Brouilly Cuvée Mélanie 2019 (cuve n°1) : Cuve inox.

Très différent du Chiroubles à ce stade, il présente des notes minérales et végétales (rappelant la vendange entière), et le fruit est plus en retrait. Là encore, c’est un vin très tonique, plus long que large, porté par cette acidité bien présente de l’entrée à la fin de bouche. L’ensemble est classieux et harmonieux, il devrait évoluer positivement sur une dizaine d’année. J’aime beaucoup.

 

  • Morgon Pré Jourdan 2019 (cuve n°7) : Foudre récent.

Il s’agit d’une parcelle de 35 ares qu’il possède depuis longtemps mais qu’il ne commercialisait pas en France. C’est la seule parcelle de Morgon qui n’est pas sur Corcelette mais sur Douby. Les vignes de 60 ans sont voisines de celles du domaine Desvignes (La Voûte Saint-Vincent).

Mieux réussi à mon avis que le 2018, avec ce qu’il faut de chair pour un Morgon, il garde néanmoins ce côté immédiat du terroir de Douby, et il n’aura pas vocation à défier le temps. C’est simple et gourmand.

 

  • Morgon Bellevue « Sables » 2019 (cuve n°2) : Cuve béton avec revêtement époxy (65 hl). Terroir de sables, porte-greffe Viala. Vignes de 35 ans.

Ce sera ma seule déception (ou plutôt semi-déception) du jour. Le fruit est moins puissant que sur le Morgon Pré Jourdan, avec un côté éthéré surprenant. La structure est en revanche conforme à mes attentes, c’est vin de demi-corps avec des tanins fins. Je suggère une mauvaise phase et peut-être un besoin de SO2 pour ce vin.

 

  • Morgon Bellevue « Cailloux » 2019 (cuves n°3) : Cuve béton avec revêtement époxy (65 hl). Terroir de cailloux très pauvre, porte-greffe 420A.

La montée en puissance sur les Morgon se fait à partir de cette cuvée où le minéral (graphite) marque le vin de son empreinte. La structure est celle qu’on attend d’un Morgon bien fait avec des tanins rugueux à ce stade mais sans sécheresse. Le fruit n’est pas en reste mais comme attendu sur une cuvée ambitieuse de l’appellation, il n’est plus aussi épanoui à ce stade et il faudra attendre un peu qu’il se libère de la matière. L’acidité, bien présente, joue certainement un rôle important dans la tenue et l’avenir de ce vin que j’imagine radieux. Grosse préférence pour cette cuvée par rapport à la version « Sables »

 

  • Morgon Corcelette 2019 (cuve n°4) : Cuve en fibre de verre.

Plus ouvert que le Bellevue, frais (mentholé), déjà parfaitement défini sur un fruit pur (fruits rouges toujours), on y retrouve aussi moins de minéralité et de tanins mais il est charmeur et son équilibre est parfait. Comme pour le 2018, je pense qu’il sera intéressant de l’ouvrir dans les 3 ou 4 premières années pour profiter de son fruit.

 

  • Morgon Corcelette Vieilles Vignes « Sables » 2019 (cuve n°10) : Cuve Inox. Plusieurs petites parcelles de vieilles vignes. Terroir de sables. Porte-greffe 420A.

On retrouve sur ces vieilles vignes toutes les qualités qui font que les vins de Daniel sont dans les meilleurs de Morgon : finesse, élégance florale du nez, fraîcheur mentholée, tanins enrobés donnant un soyeux incomparable. Il ne joue pas sur la puissance mais sur la justesse d’expression et l’harmonie des saveurs. Equilibre idéal et grands moments de plaisir à venir (sans être obligé d’attendre).

 

  • Morgon Corcelette Vieilles Vignes « Cailloux » 2019 (cuve n°5) : Foudre de 50 hl. Vignes plantées en 1927.

Dans la continuité du « Sables », avec une aromatique semblable mais avec plus d’impact en bouche et un soupçon de raideur tanique, deux qualités qui le porteront sans doute plus loin dans le temps.

 

  • Morgon Les Delys 2019 (cuve n°9) : Cuve ciment

Moins évident que les Corcelette Vieilles Vignes, moins élégant aussi, mais avec une complexité aromatique plus importante. Aux notes florales et de fruits rouges s’ajoutent les fruits noirs, la réglisse et une touche de ronce. Il offre une grosse présence en bouche, on sent un vin taillé pour la longue garde avec une assise tanique importante soutenue par une acidité précieuse qui fait complètement oublier les 14°. Un vin qu’il sera préférable d’ouvrir après quelques années de cave (6 à 10 voire plus).

 

  • Morgon Les Delys Vieilles Vignes 2019 (cuve n°8) : Foudre. Vieille vigne de 1926.

Vin profond, racé, qui ne se distingue pas énormément du précédent si ce n’est par une impression de puissance légèrement supérieure avec une aromatique un peu plus en retrait. Les évolutions de ces deux vins seront intéressantes à suivre.

 

Ce millésime 2019, pas forcément très simple au départ, s’avère d’un équilibre et d’une élégance des plus intéressantes chez Daniel Bouland. Il y a moins de charme qu’en 2018 mais les équilibres sont hauts avec une acidité plus élevée qui fait oublier qu’on a les mêmes degrés qu’en 2018. Parallèlement, S’il y a moins de chair et de moelleux dans les textures, les tanins sont bien présents et parfaitement mûrs et il n’y a aucune dureté dans les vins. Finalement, 2019 se révèle comme un millésime très classique avec un plaisir certain dans les premières années pour les cuvées de fruit et un avenir radieux pour les cuvées plus ambitieuses (Côte-de-Brouilly, Morgon Bellevue Cailloux et les Morgon Vieilles Vignes), sans forcément imaginer une garde exceptionnellement longue.