Visites 100% Morgon : Burgaud, Desvignes et... Mee Godard (15/12/15)


Si Moulin-à-Vent est l'appellation la plus reconnue historiquement et aussi celle avec la plus forte densité de grands terroirs, Morgon est en revanche à coup sûr celle qui regroupe le plus de vignerons talentueux. Aujourd'hui, en nombre de belles cuvées, elle n'a pas d'équivalent en Beaujolais. Et ma dernière journée passée intégralement autour de la Côte du Py ne fait que confirmer la tendance !

Terroirs de Morgon

 

Avant de parler des vins goûtés, quelques informations... 

Le cru Morgon s'étend sur une aire d'appellation d'un plus de  1100 ha, ce qui en fait le second en surface après Brouilly. Cela explique en partie la diversité de ses sols, comme on peut le voir sur la carte ci-dessus. On retrouve ainsi des arènes sableuses sur les granites (Les Charmes, Corcelette, Douby), des argiles plus lourdes sur des roches volcano-sédimentaires schisteuses (Côte du Py), et des sols relativement profonds et filtrants sur les colluvions et terrasses anciennes (Grand Cras, Les Micouds). Morgon est l'une des appellations beaujolaises avec laquelle la notion de terroir s'explicite le mieux, surtout par la nature des sols.

Le cru comporte 6 climats qui découpent l'aire de l'appellation en trois bandes, orientées Sud Sud-est / Nord-Ouest, donnant des vins bien distincts :

  • Grand Cras : En grande partie sur alluvions anciennes avec également une petite partie en piémont du Py avec un cône de déjection. Ce climat longe l'aire de Brouilly et Régnié au Sud-Est. il produit des vins très ronds, friands, aromatiques avec un côté terrien en fond, de moyenne garde.
  • Les Charmes : Ce climat "monte" jusqu'au village de Saint-Joseph, côtoyant Régnié. Largement constitué de sols minces et filtrants sur granite, il produit des vins assez simples, très fruités et accessibles très tôt.
  • Côte du Py : au sud du village de Villié-Morgon, elle est l'orgueil de l'appellation. Les schistes riches en oxydes de fer marquent ici beaucoup les vins, donnent des moûts avec beaucoup de matière colorante, plus de densité et des arômes de réglisse et/ou de kirsch. Les vins sont austères dans leurs premières années et charpentés.
  • Corcelette : entièrement sur granite rose, avec des sols sableux ou caillouteux très pauvres (nécessitant bien souvent des apports de chaux et de matière organique). Les vins sont très fruités avec une dominance des fruits rouges (groseille) et parfois un caractère assez minéral. De bonne constitution, ils sont selon les producteurs de moyenne à très bonne garde.
  • Douby : il jouxte Chiroubles et Fleurie et possède le même terroir de sols minces sur granites roses altérée. On ne s'étonnera donc pas du caractère souple des vins qu'il produit, avec des notes à la fois florales et fruitées.
  • Les Micouds : Sols alluvionnaires donnant des vins au caractère variable, légèrement plus rustiques. La revendication  de ce climat est assez rare chez les vignerons.

Hameau de Morgon

Le hameau de Morgon vue de la Côte du Py (Grand Cras derrière le hameau)

Parlons un peu des vins du moment. On débute avec ceux de la famille Desvignes :

  • La Voûte Saint-Vincent 2014 (Climat Douby) présente un profil très fruité, souple, gouleyant, en un mot facile ! On en profitera dès maintenant.
  • Le Côte du Py 2014 tranche avec une prodondeur rare dans ce millésime ; même s'il est bien ouvert aromatiquement actuellement sur des notes de fruits noirs frais et de réglisse, on gagnera à l'attendre 3 ou 4 ans, comme toujours.
  • Javernières 2014 ne s'est encore pas remis de la mise en bouteille une semaine auparavant, il n'est pas en place et il faudra donc le revoir...
  • Les Impénitents 2013 goûté un peu chaud se montre à son avantage, car la température arrondit les tanins et le vin se montre d'une grande élégance derrière sa texture serrée. Le jus est vraiment beau mais l'aromatique reste encore assez discrète. Un vin au superbe potentiel mais à laisser dormir quelques années.

Desvignes Père et fille

Les Desvignes, père et fille, devant la grande porte de La Voûte (la photo date un peu)

Ensuite, direction Morgon pour une visite à Jean-Marc Burgaud. Grosse série de vins, comme toujours chez Jean-Marc...

  • Morgon Les Charmes 2014 : Là aussi une entrée de gamme fruitée et prête à être bue, sans avoir à disserter sur les phases de fermeture...
  • Morgon Côte du Py 2014 : Quel bel équilibre entre structure et gourmandise ! Une fois n'est pas coutume on prend déjà du plaisir avec ce jeune Py, se refermera-t-il comme bien souvent, ce n'est pas sûr.
  • Morgon Javernières 2014 (mise de la veille) : le vin n'est pas trop handicapé par la mise, il se présente fondant et soyeux, moins énergique que le 2013 mais mûr et flatteur.
  • Morgon James 2014 (mise de la veille) : Plus sérieux et fidèle à son profil structuré et tannique, on attendra pour se faire une idée plus précise.
  • Morgon James 2013 : Quel beau vin ! Même si c'est encore trop jeune, je ne l'avais encore jamais goûté aussi bien. L'équilibre est parfait, la structure tannique est intense mais pas du tout grossière, on mâche un vin superbement construit sur les qualités du millésime que sont fraîcheur et tenue en bouche. Le fruit est en retrait par rapport aux 2014 mais la texture est précise avec une grande persistance. Un grand vin de garde avec beaucoup de distinction.
  • Morgon Grand Cras 2015 (sur cuve) : ce premier Morgon 2015 montre tout de suite la marque du millésime et on remonte l'horloge 6 ans en arrière pour retrouver nos souvenirs des 2009 au même stade. Puissant, solaire, le fruit exubérant n'est mâté que par la densité terrienne de la bouche propre à ce climat. Tout cela est très serré mais explosif !
  • Morgon Javernières 2015 (sur fût) : Le fruit est bien présent et, chose remarquable, parfaitement équilibré. On évoque les acidités (acidité totale de 4 g/l) et les degrés alcooliques (voisins de 14°) qui sont comparables à 2009. Le vin est plus fin que le Grand Cras, il est plus délié en bouche, à tel point qu'on le boirait bien déjà comme ça, avec ce fruit terriblement gourmand. Un second fût entâme sa prise de bois et rend l'ensemble plus pataud.
  • Morgon James 2015 (sur fût) : Peu différent de Javernières à ce stade si ce n'est un côté végétal plus important (rafle) qui vient équilibrer la matûrité du fruit. Si tout cela s'harmonise pendant l'élevage, ce sera grand.
  • Régnié Vallières 2009 : pour se remémorer 2009, Jean-Marc ouvre un Régnié. Très gourmand avec son flot de fruits noirs très mûrs, on pourrait le prendre pour une syrah. D'expression simple mais très gourmande, certainement atypique pour la région mais procurant beaucoup de plaisir, il montre aussi toute la tenue dans le temps de ces vins. Un "simple" Régnié sans une ride après 6 ans, ce n'est pas rien et ça laisse présager d'une très longue garde pour les Morgon du millésime...

 

Jean Marc Burgaud

Jean-Marc Burgaud, jamais avare de faire goûter ses vins

 

Quelques centaines de mètres plus loin, dans le hameau de Morgon, rendez-vous avec Mee Godard, dont je souhaitais découvrir les vins après qu'on m'est soufflé son talent à l'oreille... cette "néo-vigneronne" a repris un domaine de Morgon de 5 ha en Février 2013, sur 3 climats (Corcelette, Grand Cras, Côte du Py) avec l'ambition d'y produire des vins complexes et élégants :

  • Morgon Corcelette 2014 : On commence brillamment avec un vin fin et subtil aux notes de fruits rouges acidulés. L'équilibre est parfait, aucune rusticité et déjà beaucoup de plaisir.
  • Morgon Grand Cras 2014 : Dense et terrienne, cette cuvée est également plus austère avec une texture un rien granuleuse. Elle offre moins de plaisir en dégustation pure mais se montrerait sans doute plus à son aise à table. On lui laissera un peu de temps pour se faire une meilleure idée.
  • Morgon Côte du Py 2014 :  Vignes majoritairement situées sur la face Sud du Py. Ce vin semble faire la parfaite synthèse des 2 précédents, il est complet et harmonieux. L'aromatique est plus mûre que sur le Corcelette, légèrement réglissée, bien expressive ; le toucher de bouche est beau, soyeux et fondant, et les tanins d'une grande finesse. On sent beaucoup de précision dans l'extraction et dans l'élevage. A boire avec déjà beaucoup de plaisir ou à garder quelques années.
  • Morgon Passerelle 2013 (cuvée spéciale de Côte du Py) : La maturité semble plus haute, l'aromatique est marquée par le kirsch. En bouche, c'est très patiné avec un élevage encore présent. C'est bon mais pas le style que je préfère.

Avec seulement 2 millésimes au compteur (enfin 3 avec 2015), j'ai déjà le sentiment dès cette première rencontre que tout est là pour faire de ce domaine une belle référence. A suivre de très près !