Récit d'un passage à Vauxrenard chez Yvon Métras (19/01/16)


Une visite chez Yvon Métras est un moment rare. L'homme est discret, injoignable et introuvable... Paysan dans l'âme, il aime la tranquillité et a trouvé son havre de paix dans une ferme isolée de Vauxrenard. Déjà que la commune est en retrait des crus et ne voit pas passer beaucoup de monde, alors pour trouver Yvon Métras, impossible si on n'est pas un peu aidé !

C'est avec un ami du vigneron que j'ai pu être reçu.

Nous arrivons à 10h30. Yvon nourrit ses animaux qu'il affectionne visiblement beaucoup, sans presser le pas. Puis il nous fait faire le tour des caves, qui ne sont pas celles où les vins sont vinifiés et élevés (ils le sont dans un autre endroit à Fleurie). Le lieu est une ancienne ferme où la production de vin ne devait être qu'accessoire si elle existait auparavant.

Elle comprend toutefois une spacieuse cave voûtée qui contient une quinzaine de barriques et je demande naturellement quelle cuvée est élevée ici. « Ici, c'est l'hôpital, on y monte les cuvées malades, celles qui commencent à dériver.  Je ne sais pas si c'est l'ambiance de la cave ou la température plus fraîche, mais c'est incroyable comme les vins se remettent bien en place ici ». La température y est effectivement très fraîche, pas plus de 4 ou 5°C.

L'autre cave sert à embouteiller et stocker les vins en bouteille. Nous y ferons la dégustation sous une température plus clémente et avec en bruit de fond le « doux » bêlement d'un agneau de quelques jours qui ne quitte pas les jambes de notre hôte. Autant le dire tout de suite, mes questions plus ou moins techniques ne trouveront pas un grand écho même si une réponse, souvent brève, est toujours donnée.

Tout juste ai-je pu apprendre qu'Yvon Métras fait des vins nature depuis 1988 quand il fit partie de la « bande » de précurseurs avec Lapierre, Thévenet ou encore Breton. Les principes appliqués sont depuis très simples : agriculture biologique avec labours (au treuil dans les pentes), vinification carbonique après un tri soigné (cuvaison de 25 à 40 jours sans la moindre intervention, ni pigeage ni remontage), pressage dans un vieux pressoir en bois et élevage en cuves jusqu'au printemps, mise en bouteille sans sulfitage ni filtration.

S'il lui ait arrivé 2 ou 3 fois de sulfiter à 10 mg/l pour bloquer le développement de bretts (Brettanomyces, une levure indésirable à l'origine d'éthyl-phénols donnant des faux-goûts), cela reste très rare et il ne l'utilise qu'en dernier recours.

Ce qui est vraiment intéressant quand il parle de ses vins, c'est qu'il voit les défauts lorsqu'il y en a, peut-être bien mieux d'ailleurs que tout le monde. « Goûtez celui-ci, il n'est pas tout à fait remis, il y a encore un léger faux-goût, mais il sera guéri au printemps ». Nous avons goûté deux échantillons de 2015 sortis de « l'hôpital » et je dois dire que si un des deux n'était peut-être pas 100% net (mais presque tout de même), c'était superbe, avec un toucher de bouche et un fruit à se damner.

Ensuite, nous goûterons boirons un Vieilles Vignes blanc 2013 de Gauby excellent qui me fait regretter de ne pas en avoir acheter (on va y remédier) autour du saucisson, de la noix de jambon et du magret séché, une bonne heure à parler de vins d'ici et d'ailleurs, Yvon connaissant extrêmement bien les vins et les vignerons de toutes régions (surtout les nature bien entendu).

Puis nous sommes invités à déjeuner, l'occasion de prolonger la discussion autour d'un pot-au-feu et d'un Fleurie Ultime 2010 qui se révélera excellent, d'une grande finesse, un vin parfait actuellement. Mon co-invité qui connaît bien Yvon et le rencontre régulièrement lui fait alors remarquer qu'il boit presque toujours des Ultime à table, et que compte-tenu de la faible production (qui diminue chaque année suite de l'arrachage devenu nécessaire des plus vieilles vignes), cette cuvée va devoir être réservée aux agapes de la maison et aux amis. Et Yvon de répondre, non sans malice : « J'en ai bien peur... ».

Je ne doute pas un seul instant que le bougre le fera, car il est certain qu'il préfère bien boire avec ses amis plutôt que bien vendre, même si cette cuvée a largement contribué à son succès.

Le temps passe vite, il est plus de 15 heures, je dois absolument partir... je quitte donc Yvon avec regret et une certitude, c'est un homme qui fait ce qu'il aime en dehors du temps ; chez lui le vin nature, ça n'a jamais été un positionnement, une mode ou une façon de sortir du lot, c'est tout aussi naturel que sa bonté.