Eric Janin - Domaine Paul Janin & Fils

Eric Janin

 

Vigneron méticuleux, expérimenté, réservé de prime abord, Eric Janin, qui a succédé à son père Paul, est aujourd'hui la référence des artisans vignerons de l'appellation Moulin-à-Vent. La jeune génération, admirative de son travail, trouve d'ailleurs chez lui une oreille attentive, prompte à partager son savoir-faire et son expérience. Sur ses 32 parcelles de Moulin-à-Vent (6,7 ha) et aussi quelques Beaujolais-Villages, il conduit avec justesse et pragmatisme un patrimoine de vieilles vignes inestimable.

 

  • Histoire du domaine :

Fils et petit-fils de vigneron, Eric Janin hérite d'un patrimoine de vieilles vignes bichonnées par ses aïeux depuis les années 1930. Il rentre officiellement au domaine en 1983 et accompagne son père avant que ce ne soit l'inverse, ce dernier partant en retraite en 2008.

Le domaine a construit sa réputation petit à petit, dans l'ombre, par son travail rigoureux et sa recherche de la qualité, hors des modes. Il a vite été aspiré par la demande étrangère, comme tous les bons vignerons du Beaujolais, les exportations représentant aujourd'hui environ 50% de la production. Eric souhaite désormais être plus présent sur le territoire français et espère que non seulement ses vins mais aussi ceux de tous les artisans beaujolais y soient davantage reconnus.

L'exploitation compte maintenant un peu plus de 8 hectares, en grande majorité sur Romanèche-Thorins (appellations Moulin-à-Vent et Beaujolais-Villages).

 

  • Ses terroirs :

Lorsqu'on pénètre dans les chais du domaine, on trouve à l'entrée un bel exemplaire de romanéchite, ce minerai de manganèse qui fait tant parler... Si vous y allez, soupesez-le et vous comprendrez la différence entre une roche et un minerai. Ça vous permettra aussi d'engager la conversation avec Eric qui vous expliquera d'une part ce qu'a été l'exploitation du minerai sur Romanèche de 1830 jusqu'au début 20ème siècle, et d'autre part que ce manganèse est davantage un argument commercial pour le grand public qu'un véritable marqueur du terroir.

Ses terroirs, Eric les connaît sur le bout des doigts, et si le manganèse fait partie de l'histoire du village et de sa géologie, il sait aussi que sa présence en surface est rare et variable et que celui-ci n'est de toute façon pas assimilable directement par la plante. Selon lui, l'interprétation du terroir, en particulier sur Moulin-à-Vent, est surtout liée à la qualité et à la proportion des argiles. Les feuillets d'argile contiennent un grand nombre d'éléments qui sont assimilables par le système racinaire de la plante. Ce qui expliquerait que les terroirs argileux de l'AOC donnent généralement des vins plus riches et complets que les autres crus.

 

 
Sol des Burdelines travaillé (2)

Sol argileux des Burdulines

 

Le domaine possède 6,70 ha en Moulin-à-Vent. Il comprend particulièrement les 3 climats très qualitatifs suivants :

  • Champ de Cour (1 ha) : cette parcelle, située sous le Moulin-à-Vent des Thorins et regardant la Roilette, est assez argileuse ; elle constitue le pilier de l'assemblage pour sa cuvée traditionnelle.

Le Clos du Tremblay représente un petit groupe de parcelles au lieu-dit cadastré Les Burdelines. Il a été acheté entre 1933 et 1937 par le grand-père d'Éric ; à l'époque, les 2 noms existaient pour ce lieu-dit. Il s'agit de vignes de 80 à 110 ans avec une densité très élevée (95 x 85 cm soit 12 000 pieds/ha) sur un terroir de gore assez classique, ici riches en argiles rouges et en limons avec des parties plus sablonneuses, le rocher étant à 1m. c'est un terroir donnant des vins puissants et robustes mais qui peuvent parfois paraître rustiques. C'est aussi le climat le plus précoce.

 

 
Les Burdelines avec vue sur le Moulin-à-Vent

Vignes des Burdulines regardant le moulin

 

  • Les Greneriers (1,10 ha) : en 2 parcelles de vieilles vignes sises sur des argiles rouges en surface, plus délicates à travailler. Assez humide, son grand-père y avait refait du drainage sur les zones les plus sensibles, vignes en place, à 40 cm de profondeur (avec des tuiles ou des tuyaux en terre cuite). Il y a ainsi 1 drainage tous les 6 rangs. C'est un terroir qui produit des vins très charpentés.

Les autres parcelles que nous pouvons citer sont :

  • La Bruyère (23 ares), à 2 pas du domaine, où les vignes de 70 ans produisent sur des sols riches des vins très élégants mais avec moins de profondeur,
  • Les Perelles où Eric expérimente une nouvelle façon de conduire ses vignes (voire plus loin)
  • Les Caves (0,5 ha), parcelle achetée en 2011 et située sous Rochegrès. C'est un terroir très qualitatif, pentu, granitique sur la partie haute et plus argileux en bas de côte. Malheureusement en mauvais état, les vignes de 50 à 60 ans comportaient beaucoup de manquants et avaient peu de vigueur ; elles n'ont produits que peu de vin pour l'instant (15 hl/ha en 2011 puis 7 hl/ha en 2012 et à nouveau 15 hl/ha en 2013). Eric a beaucoup investi pour remettre en état les vignes (apports organiques, rebrochage de 1 300 greffes) et compte avoir bientôt un résultat à la hauteur du terroir.

D'une manière générale, Eric Janin exploite des terroirs très complémentaires, bien représentatifs de l'appellation et produisant des vins de grande garde, bien que ce ne soient pas les climats les plus connus de l'appellation. A noter que contrairement à la majorité des vieilles vignes locales, c'est le porte-greffe 3309 qui est largement majoritaire chez lui le Viala étant peu représenté.

Hors AOC Moulin-à-Vent, Eric Janin produit également des Beaujolais-Villages sur 1,5 ha :

  • 0,5 ha de Beaujolais-Villages blanc sont situés à Romanèche-Thorins près de la cave (jeunes vignes plantées en 2006).
  • 1 ha de Beaujolais-Villages rouge en 2 parcelles de 0,5 ha, une jouxtant les blancs, l'autre sur Lancié qui est un terroir plus tardif et qui est toujours vendangé en dernier.

 

  • Sa conduite des vignes :

Eric Janin est extrêmement méticuleux à chacun de ces passages dans ses vignes. Il fait des choix réfléchis sur chaque parcelle et pour toutes ses interventions, n'appliquant jamais une méthode ou une recette par principe mais s'adaptant au comportement de la vigne et au millésime. Observation et pragmatisme sont vraiment les piliers de sa viticulture, en essayant de la rendre la plus écologique possible, mais sans prendre le risque de tout perdre.

Malgré un vignoble taillé en gobelet et de très vieilles vignes, les sols sont travaillés partout (en moyenne 4 passages par an), mais à un rythme adapté. Par exemple, en 2014, le premier passage qui se fait normalement en Avril, n'est intervenu qu'en Mai ; un débourrement précoce et une baisse des températures, particulièrement la nuit, lui ont fait craindre le gel et après 2 années de faible rendements, Eric n'a pas voulu prendre de risque en commençant le travail des sols trop tôt (le travail des sols fait remonter l'humidité et rend la vigne plus sensible au gel). Du coup, il a passé un désherbant foliaire et n'a repris le travail des sols que la 2ème semaine de Mai.

 

 
Vignes des Burdelines (3)

Premier travail des sols du millésime 2014 (12 Mai)

 

Le second passage consiste à repousser la terre contre la souche (buttage) puis le troisième à passer l'intercep pour enlever l'herbe et débutter. Les passages supplémentaires permettent de réguler l'enherbement en fonction des années et des parcelles

Les travaux en vert sont également extrêmement soignées avec un épamprage de toutes les vignes (enlèvement des rameaux qui encombrent la souche ou qui sont trop prêts su sol pour ventiler les ceps et diminuer le risque de maladie) et l'enlèvement des double-bourgeons sur certaines parcelles potentiellement trop chargées (pas les vieilles vignes).

Compte-tenu des sols majoritairement argileux, et afin de pouvoir réagir en cas de maladies, 3 rangs sur 10 ne sont pas labourés pour les passages de traitement en conditions humides (il a un tracteur enjambeur à 3 roues et un appareil pneumatique de 10m de large). Cela lui permet d'être très réactif et de traiter les 9 ha du domaine en 1 journée si nécessaire.

Concernant la taille, Eric fait également un travail d'une grande minutie, encore plus compte-tenu de la mortalité due à l'esca. Il réalise une taille longue depuis 7 ans pour éviter que le cône de desséchement ne vienne perturber le cheminement de la sève et affaiblisse le cep. Il espère ainsi prolonger la vie d'un patrimoine de vieilles vignes inestimable.

 

 
Vieux ceps des Burdelines

La taille est encore observable sur ce cep retardataire

 

Eric a replanté en 2011 une vigne au lieu-dit Les Perelles. Il a décidé d'y conduire les vignes de manière un peu différente pour favoriser le travail des sols et limiter les pertes dues à l'esca. Toujours avec une forte densité (110 x 90 cm, 10 000 pieds/ha), il essaye de faire un compromis entre gobelet et cordon pour avoir un palissage en plan adapté au travail des sols et conserver les avantages du gobelet. L'avantage du gobelet c'est que si un porteur est perdu en raison d'une maladie de bois, les autres prennent le relais et on ne repart pas de zéro contrairement à un cordon. Il part donc du point de greffe avec 2 rameaux, puis l'année suivante il laisse 6 rameaux secondaires qui lui permettront d'avoir 4 coursons l'année suivante (en conservant les plus vigoureux et ceux qui permettent d'aérer le pied).

 

 
Plantation de 2011 aux Perelles

Plantation de 2011 avec une taille « hybride »

 

Sur les parcelles de vieilles vignes, il modifie petit à petit le port des ceps en reformant des porteurs le plus dans le rang possible et ainsi obtenir des gobelets plus allongés qui permettent un travail des sols plus facile. Pour ce faire, l'épamprage est plus léger et réalisé avec réflexion pour reformer des nouveaux coursons à partir de rameaux du bas.

D'une manière générale, les rendements agronomiques sont faibles chez Eric Janin, de l'ordre de 35 hl/ha sur une année normale, bien moins en 2012 et 2013 où ils étaient de 18 à 26 hl/ha selon les parcelles.

 

  • Son travail à la cave :

Eric Janin effectue des vinifications traditionnelles (bourguignonnes), sans maquillage. Elles sont effectuées en cuve béton de 70 hl.

Sur ces Moulin-à-Vent, il effectue un éraflage minimum et adapté au millésime, en général 15%, ne serait-ce que pour créer du jus car il ramasse en caissettes des raisins intacts et n'aurait pas du tout de jus sinon. Certains millésimes sont davantage éraflés, c'est le cas de 2007 et surtout de 2008 (pratiquement à 100%). Les vendanges de Beaujolais-Villages sont quant à elles éraflées à 100% pour obtenir des vins plus soyeux.

Les élevages se font en foudres ; il y a eu des essais en fût par le passé mais ceux-ci ont été abandonnés. En fin d'élevage (près d'un an pour les Moulin-à-Vent), Eric réalise ses assemblages qui peuvent différer selon les millésimes. Dans une année normale, il produit 3 cuvées : le Clos des Tremblay (produit depuis 1994), Les Greneriers (depuis 2009) et la cuvée domaine traditionnelle (Domaine des vignes de Tremblay). Mais en 2012 où la qualité était hétérogène et les quantités faibles (18-20 hl/ha), il a choisi de faire une cuvée unique car s'il avait isolé ses meilleurs climats, la cuvée traditionnelle n'aurait pas eu l'étoffe d'un Moulin-à-Vent.

Il y a bien par le passé des essais en macération carbonique, avec une cuvée Séduction (réalisée en 2002, 2003, 2004 et 2005). Mais sa clientèle était partagée et il trouvait que cette vinification masquait le terroir donc il a arrêté.

Concernant le Beaujolais-Villages blanc qu'il produit depuis peu, Eric y apporte autant de rigueur que pour les rouges et affine chaque année un peu plus la vinification pour obtenir un vin de grande qualité. Il est vinifié en fût et élevé 10 mois. La fermentation malolactique est plus ou moins prolongée pour obtenir un bon équilibre (acidité totale de l'ordre de 4,2 / 4,3). Il obtient un vin très fruité mais pas dénué de matière comme tant d'autres beaujolais blancs.

 

  • Le millésime 2012 :

En 2012, les rendements ont été faibles (18-20 hl/ha), principalement en raison du gel (série de 5-6 pieds sans grappe) et aussi du mildiou. La qualité n'était pas tout-à-fait au rendez-vous et c'est pour cela qu'il a décidé de ne réaliser qu'un seul assemblage en Moulin-à-Vent.

Beaujolais Villages rouge 2012 : Assez structuré pour un Village. Encore un peu tôt, il se présente avec de la rusticité et peu de sensualité.

Domaine des Vignes de Tremblay 2012 : (cuvée unique, assemblage de toutes les parcelles). Un peu marqué par l'élevage (tous les foudres ont été détartrés en 2012). Vin moins structuré qu'à l'accoutumée malgré l'apport des climats plus charpentés. Tannins bien présents, assez serrés et élégants. Bonne longueur en bouche. A boire dans 3 à 5 ans.

Beaujolais Villages blanc 2012 : Vin fruité, ouvert, épanoui, très agréable.

 

  • Le millésime 2013 :

Avec 26 hl/ha (rendement agronomique, pas d'incidence des maladies ou d'évènements climatiques si ce n'est la conséquence du gel de 2012), c'est un peu mieux que 2012, surtout au niveau de la qualité. Le Clos du Tremblay a donc été produit mais pas Les Greneriers car les rendements étaient faibles et Eric souhaite toujours avoir une qualité irréprochable pour sa cuvée d'assemblage.

Selon Eric, les 2013 se rapprochent de 2010, c'est un millésime tardif, mais de bonne maturité, avec des acidités très bonnes. Ils feront des vins dans le même style.

 

Dossier réalisé à partir des 3 visites au domaine effectuées les 6 Mars, 12 Mai (prises de vues dans les vignes) et 8 Août 2014.