Les clés du terroir

 

Notion de terroir :

Le vin est associé à son terroir, à son lieu de production, aux vignes qui portent le raisin nécessaire à son élaboration. Le terroir est indissociable de l'homme qui le travaillait hier, qui le travaille aujourd'hui, de son savoir faire, de ses acquis. Il ne se réduit donc pas au seul terrain viticole. Climat, sol, vigne, cépages, lieu géographique et facteurs humains sont indissociables de la notion de terroir. Tous ces facteurs naturels et humains, couverts sous un seul terme qui fait l'orgueil de la France (il n'existe pas dans les autres langues), expliquent le caractère du vin.

En effet, le vin élaboré à partir de raisins récoltés sur un terroir déterminé, aura une typicité représentative de ce terroir, des propriétés organoleptiques, un caractère unique, que l'on ne retrouvera dans aucun autre vin, même élaboré avec des raisins issus de cépages identiques, sur un terrain voisin. Ceci doit toutefois être nuancé car certaines pratiques culturales et œnologiques gomment parfois allègrement cette typicité.

 

Un héritage historique :

Ce sont près de deux millénaires d'histoire viticole qui ont modelé dans notre pays, la notion de terroir. L'extension de la vigne débute en France, à l'époque Gallo-romaine, se poursuit encouragée par Charlemagne, au moyen-âge. L'église et plus précisément les monastères, les abbayes deviennent des centres de développement de la vigne et d'élaboration des vins.

Le choix des meilleurs terrains, des pratiques culturales et des cépages adaptés au lieu de production a demandé des siècles de recherche, d'observation et de tâtonnements. Des techniques et des savoirs empiriques se sont transmis au fil des générations, de vignerons en vignerons. Toutes ces années de production ont permis d'identifier et de conserver les endroits les plus favorables au développement de la vigne. Si cela est le cas de presque toutes les régions viticoles, c'est en Bourgogne que la sélection et la hiérarchisation fût la plus réfléchie, donnant naissance aux fameux climats (lieu-dit ou parcelle cadastrée caractérisé par un type de sol et un microclimat défini).

 

Terroir et AOC :

En France, la production viticole est encadrée par le système des Appellations d'Origine Contrôlées (AOC). Le concept de terroir est le fondement des AOC. Pour avoir droit à une AOC, un vin doit être élaboré en respectant un ensemble de règles établies par l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO). Publiées dans un décret au journal officiel, elles délimitent les aires de production, fixe le rendement maximum à l'hectare, donnent la liste des cépages autorisés... et soumettent parfois à un comité de dégustation l'agrément du vin produit.

La raison d'être initiale de l'AOC est la mise en valeur du milieu naturel (sol, climat) par des pratiques humaines héritées de la tradition et qui permettent d'obtenir un produit original, non reproductible, dont les qualités essentielles sont liées au lieu de récolte. L'AOC devrait donc toujours garantir la qualité, le caractère inimitable du vin, et son origine.

Malheureusement, les règles de l'INAO n'ont pas évolué et pris en compte certains risques de dérives. Elles sont devenues parfois un carcan gardé de près par des lobbies (syndicats de producteurs, coopératives) plus soucieuses de leurs profits que de la qualité du vin ou du respect de l'environnement. Le développement de pratiques culturales et œnologiques destinés à répondre au marché ont pu détruire, ici ou là, l'image qualitative d'une AOC, avec finalement la bénédiction de l'administration. D'où l'effet inverse de celui recherché initialement.

On peut bien sûr comprendre que chaque vigneron exprimera le terroir avec plus ou moins de finesse selon son travail, son savoir-faire ou sa situation économique. Mais lorsque c'est une majorité de producteurs qui cèdent aux sirènes du négoce et de la facilité, on ne reconnaît plus ce qu'il y a derrière une étiquette d'origine pourtant contrôlée...

Si la hiérarchie historique des AOC, des crus ou des climats peuvent permettre au client d'appréhender une région viticole, elle n'est donc pas suffisante pour lui garantir une typicité et une qualité et celui-ci doit aller plus loin en s'informant sur les pratiques culturales et œnologiques du producteur et bien sûr en goûtant lorsque cela lui est possible.

Aujourd'hui, on trouve des vignerons qui produisent des vins prodigieux avec sur l'étiquette la mention « vin de France » ou « vin de table » ou « vin de pays ». Les raisons sont variables :

  • Choix de cépages non autorisés,
  • Aire de production non répertoriée,
  • Echantillon refusé à l'agrément car non typique (la mauvaise foi et les intérêts particuliers peuvent influencer fortement une telle décision)
  • Choix personnel.

De nombreux exemples bien connus des passionnés doivent interpeller les amateurs et les pousser à aller plus loin dans leur recherche de la qualité.

 

Les composantes du terroir :

Le terme terroir conduit à évoquer les types de sols et de sous-sols (pédologie, géologie, hydrologie), l'espace géographique (topographie) et climatique (mésoclimat, microclimat, notion de millésime), les cépages et porte-greffes (biologie). Le vigneron doit tenir compte de tous ces éléments naturels pour conduire sa vigne et exprimer au mieux son terroir.

Sol, climat, et topographie sont les composantes naturelles qui caractérisent les terroirs viticoles. Cépages et pratiques culturales sont les autres facteurs :

 

  • Les sols :

Les éléments constitutifs du sol ont une importance majeure dans la qualité du raisin. Le sol, support de l'enracinement de la vigne, réservoir d'eau et de nutriments pour la plante, agit sur la qualité de la vendange. Selon sa structure et sa couleur, le sol va capter et emmagasiner plus ou moins la chaleur du soleil et la transmettre à la vigne.

Un type de sol est caractérisé par : sa structure physique (texture, granulats, ...), sa composition chimique, son hydrologie (circulation de l'eau dans le sol), et sa température. Les sols sont plus ou moins profonds, plus ou moins humides avec des compositions et une proportion variable d'éléments grossiers ou fins. Ils héritent des caractéristiques de la roche mère dont ils sont issus après altération physique et chimique de celle-ci.

L'étude des sols par différents organismes de recherche a mis en évidence les influences suivantes :

  • La nature de la roche-mère ou du dépôt sédimentaire qui forme le sol, influence les caractères organoleptiques du vin. Un même cépage donnera des vins présentant des différences gustatives, selon le type de sols (sableux, argileux, calcaires, argilo-calcaire, schisteux,...).
  • La capacité du sol à réguler l'alimentation en eau de la vigne aux différents stades est un trait commun aux meilleurs crus. La profondeur des sols viticoles varie de quelques centimètres à quelques mètres de profondeur. Sur des sols peu profonds (< 40 cm) de haut de coteau, le faible volume de terre exploré par les racines limite les possibilités d'alimentation hydrique et minérale. En revanche, en bas de coteau où se trouve une accumulation de matériau colluvionné, le sol est souvent riche en matière organique et l'enracinement profond met à disposition de la vigne des réserves en eau parfois excessives, qui conditionnent un équilibre hormonal de la plante en faveur de sa croissance, c'est-à-dire en défaveur du stockage des sucres dans les baies. Ainsi une viticulture de qualité n'est pas nécessairement conditionnée par un enracinement profond de la vigne.
  • Texture, éléments grossiers et structure affectent conjointement la sensibilité à l'érosion, la porosité et la perméabilité, l'aération du sol et la croissance des racines, ainsi que la capacité calorifique. Il existe des sols viticoles de toutes textures. La texture la moins favorable à la qualité du raisin est sans doute celle où dominent les limons, car ceux-ci peuvent donner lieu à une tendance au compactage et à l'engorgement par l'eau. Les sols viticoles des terroirs de renom sont souvent riches en éléments grossiers, dont la nature lithologique, la taille et la proportion par rapport à la terre fine (souvent très supérieure à 50%) exercent un rôle sur : le réchauffement, la réserve hydrique, la réserve minérale.
  • La composition chimique du sol est susceptible d'influencer le rendement de la vigne ainsi que la concentration en matière colorante, en arômes et en éléments sapides du raisin. Le développement de la vigne fait appel aux éléments nutritifs courants et à des éléments traces métalliques : C, O, H, Ca, N, K, P, Mg, S, Fe, Zn, B, Mn, Cu, Mo, mais non à Si, Al, Cl, Na bien que tous ces éléments soient présents. La totalité des oligo-éléments représente à peine 0,1% de la matière sèche de l'ensemble de la plante. Ils constituent pourtant une part de « l'empreinte du terroir ». Part à relativiser toute de même lorsque on sait que les produits de traitements phytosanitaires utilisés en viticulture comportent souvent dans leur composition des oligo-éléments, comme le manganèse, le cuivre, le soufre, le zinc ou encore l'aluminium, qui peuvent être absorbés directement par les feuilles.
  • Davantage que la température de l'air au niveau du couvert végétal, la température du sol constitue un critère de différenciation entre terroirs pour une année donnée. L'importance du pédoclimat sur la précocité de la vigne, ainsi que sur le niveau de maturité atteint au moment des vendanges, a été démontrée. Le stade de développement phénologique de la vigne est proportionnel à la somme des températures supérieures à 10°C reçues par les horizons du sol les plus colonisés par l'enracinement. Le comportement thermique du sol dépend à la fois de la capacité calorifique volumique et de la conductivité thermique, qui conditionnent les transferts de chaleur et dépendent notamment de l'humidité et de la porosité.

 

  • Le Climat :

Températures, précipitations, ensoleillement, humidité, vitesse du vent façonnent un climat. La France a un climat dit tempéré : un hiver froid et un été chaud, mais avec des écarts de température et des décalages de quelques semaines selon les années. Ces variations de climat sont importantes et expliquent l'effet millésime sur les caractéristiques d'un vin.

On distingue 3 types de climat :

  1. Le climat régional (ou macroclimat) pour une zone relativement étendue. Suivant leur situation géographique, les vignobles seront soumis à un climat tempéré océanique (hivers doux et humides et étés frais),  à un climat continental (hivers froids, été chauds). Ou encore à un climat de type méditerranéen (été chaud, hiver doux). Tous les climats intermédiaires existent bien évidemment.
  2. Le climat local (ou mésoclimat), qui s'exprime sur une plus ou moins grande étendue (plaine, versants de même orientation).
  3. Le microclimat pour une superficie réduite avec des conditions thermiques particulières, déterminées par notamment par la présence d'une masse d'eau, d'une colline ou d'une orientation favorable.

Les facteurs climatiques influençant le terroir sont les suivants :

  • L'ensoleillement : le rayonnement solaire, permet aux feuilles de synthétiser des sucres, c'est la photosynthèse.
  • La température : la vigne doit trouver suffisamment de chaleur pour que son cycle végétatif et sa maturation se déroule dans les meilleures conditions. Le choix du cépage précoce ou tardif est important car la vigne doit bénéficier d'un minimum de températures cumulées. La photosynthèse est perturbée et la vigne ne produit plus en dessous de 10°C et au-delà de 35°C.
  • L'eau : la consommation d'eau par la plante est fonction de la température et reflète son activité. Il est essentiel pour la vigne de disposer de l'eau dont elle a besoin mais pas plus. Un déficit hydrique se traduira par un ralentissement du fonctionnement de la plante et pourra bloquer la maturation des raisins. A l'inverse, une trop grande alimentation en eau entraîne une vigueur de la vigne trop importante, et engendre des baies volumineuses, peu sucrées, acides et pauvres en composés phénoliques.

 

  • La topographie :

Elle définit les caractéristiques naturelles du paysage, comme les montagnes, les vallées et les cours d'eau. La topographie d'un lieu influe sur le terroir via le microclimat qu'elle favorise : altitude, orientation et pente, proximité d'une rivière, d'un lac, d'un étang. Elle agit également sur 2 facteurs essentiels : l'exposition, qui conditionne la durée d'ensoleillement et la pénétration des rayons de soleil au cœur de la vigne, et le drainage.

 

  • Le cépage (et le porte-greffe) :

Il doit être adapté au sol. Une maturité complète du raisin et de sa pellicule est indispensable, elle doit être lente et progressive. Il faut donc choisir les cépages et les porte-greffes en fonction du climat régional, mais également du microclimat et du caractère hydrique et thermique des sols.

 

  • Les facteurs humains :

L'homme révèle la spécificité du terroir : Le viticulteur choisit les cépages, les porte-greffes, travaille le sol et entretient la vigne, décide de la date des vendanges, fait des choix de vinification, réalise les assemblages et l'élevage.

Une longue mise en culture entraîne des modifications dues aux actions de l'homme, associées à des pollutions et des phénomènes érosifs. La mise en culture peut être accompagnée des perturbations suivantes :

  • Défoncement,
  • Traitements chimiques,
  • Apports de matière organique exogène,
  • Apports de fumures minérales, modifiant les équilibres entre les différents cations,
  • Chaulages, modifiant le pH,
  • Apports de terre,
  • Etc...

 

Deux terrains sensiblement identiques initialement du fait de leur proximité peuvent donc être à l'origine de 2 terroirs assez différents, selon que les exploitants aient appliqué des méthodes de culture très interventionnistes et chimiques ou bien qu'ils aient privilégié la mise en place d'un écosystème durable entre la plante et le sol par des méthodes douces et le plus naturelles possible.

Si cette dernière vision est sans aucun doute la plus juste et la plus respectueuse de la notion de terroir (dans la durée), il faut rester à la fois humble et honnête car, concernant le goût du vin, la première peut parfois donner de meilleurs résultats...   

Chacun se fera son opinion, selon que sa sensibilité soit davantage au résultat ou aux moyens. Le mieux étant évidemment de marier les 2, ce que font la plupart des vignerons mis en avant sur ce site !