Verticale des cuvées James et Javernières chez J-M. Burgaud (16/11/18)


Jean-Marc Burgaud, vigneron beaujolais émérite, produit depuis près de 30 ans des Morgon Côte du Py qu’il vinifie de manière traditionnelle (macération semi-carbonique).

En 2000, il isole pour la première fois une partie des raisins de sa meilleure parcelle sur le haut du Py (terroir très rocheux exposé au Sud / Sud-Est) pour créer James (il a choisi ce nom car il est fan de James Bond). Ce vin est élevé en fût contrairement au Côte du Py classique qui est toujours élevé uniquement en cuve. Depuis, James s’est installé parmi les cuvées phare du Beaujolais en compagnie de Javernières qui a fait quant à elle son apparition en 2007. Elle provient du souhait de Jean-Marc d’isoler un terroir faisant toujours partie de la Côte du Py mais ayant des caractéristiques bien différentes (bas de pente, argiles profondes et exposition Est). Javernières est le nom du lieu-dit où se situe la parcelle.

Les deux vins, vinifiés et élevés en fûts (le plus souvent sans bois neuf), de la même façon, présentent des profils souvent assez différents qui traduisent bien leurs terroirs respectifs.

Jean-Marc Burgaud a voulu vérifier, en compagnie de quelques compagnons de route, l’évolution de ces deux cuvées en organisant une verticale chez lui le 16/11/18. C’est un moment rare que de partager une telle dégustation ; je vous en livre mes impressions …

Les vins sont débouchés juste avant la dégustation et servis à environ 15°. Ils sont goûtés du plus vieux au plus récent :

  • James 2000 :

Robe modérément tuilée faisant son âge, avec une belle densité. Très joli nez avec encore du fruit et des notes tertiaires non dominantes. En bouche, le vin est bien fondu, plutôt léger et finit assez court. C’est bon mais iI est temps de le boire. B+

  • James 2001 : non produit
  • James 2002 :

Robe très tuilée commençant à virer au marron, légère. Nez camphré et évolué évoquant un vin fatigué. La bouche est acide et légère, pas encore décharnée mais manquant de densité. La fin de bouche tient encore la route et sauve ce vin qui aurait dû être bu plus tôt mais qui est encore correct. AB

  • James 2003 :

Robe évoluée, légèrement déclinante mais conservant une bonne densité. Le nez rassure tout de suite, il est fringant, intense et évoque des fruits jaunes bien mûrs (abricot, pêche) associés à de fines notes vanillées. En bouche, il affiche une harmonie souveraine, avec beaucoup de gourmandise et de profondeur. La fin de bouche, encore légèrement tanique et sans déficit d’acidité, offre une belle relance et rassure pour son avenir. C’est un vin magnifique aujourd’hui et sans doute aussi pour les 10 prochaines années. EXC+

  • James 2004 : non produit
  • James 2005 :

Robe jeune, dense, présentant encore des reflets violacés. Nez tout aussi jeune sur des notes de fruits noirs mûrs et de résine. Bouche froide avec un toucher d’élevage. Peu disert, on lui donnerait 6-7 ans. Dans une phase d’austérité peu propice au plaisir, il interroge et il sera intéressant de le regoûter dans 5 et 10 ans. B en l’état, sans doute un peu mieux à l’avenir...

  • James 2006 :

Robe de vin à point. Et nez aussi, très joli sur des notes de cerises à l’eau de vie. Il se révèle particulièrement plein et fruité en bouche, avec une belle tension et des tanins à peine perceptibles. Beaucoup de plaisir sur ce vin diablement bon, peut-être un poil moins charmeur que le 2003 mais très réussi. On a encore le temps de l’apprécier. EXC

  • Javernières 2007 : doublement pas de chance car la bouteille est bouchonnée et c’était la dernière bouteille de Jean-Marc !
  • James 2007 :

Robe rubis évoluée, assez claire. Nez frais, très expressif sur les fruits rouges, très agréable. Bouche en revanche simple et assez légère, dominée par l’élevage. A boire. AB+

  • Javernières 2008 :

Robe rubis évoluée, claire avec des reflets tuilés. Nez frais, très expressif sur les fruits rouges là encore. Bouche en revanche trop acide, avec une fin asséchante et avec de l’amertume. A boire vite. AB (pour le nez).

  • James 2008 :

Robe identique mais pour le reste un profil très différent, beaucoup plus mûr avec notes de fruits confits étonnantes pour le millésime. En bouche, la matière a beaucoup mieux accepté l’élevage que sur Javernières, c’est bon, enrobé et ne manque pas de fonds. A point et donc à boire pour ceux qui en ont ! TB

  • Javernières 2009 :

Robe jeune, brillante. Nez fruité avec une légère note de verni (volatile). La bouche est harmonieuse et fondue, moelleuse. Ce vin semble très proche de son apogée et offre beaucoup de plaisir. On évoque des bretts car il y a quelques notes animales qui s’expriment ; toutefois elles sont limitées et ne brident pas le plaisir. A boire sur les 5/10 prochaines années. TB

  • James 2009 :

Robe jeune, dense avec de larges larmes. Nez moins expressif que Javernières mais néanmoins classieux avec des fruits noirs, de la pêche et un côté épicé qui lui donnent une belle complexité. La bouche est très complète mais encore un peu compacte et tanique. Elle n’a toutefois pas l’austérité du 2005 et indique simplement qu’il encore un peu tôt. Attendre encore 5 ans ou bien l’aérer. EXC (grand potentiel)

  • Javernières 2010 :

Robe dense assez jeune. Nez floral plus que fruité, classieux et délicat. La bouche est très réussie, construit sur une fine acidité qui ne domine pas mais qui porte le vin. C’est gouleyant et très agréable avec des fruits rouges acidulés. Seule la finale, encore un peu tanique, limite le plaisir. C’est très bon et commence à se goûter. TB+

  • James 2010 :

Robe identique. Nez plutôt fermé avec des notes de mûres sauvages écrasées. Bouche dense, tanique et globalement fermée. Grosse matière et bonne acidité. A attendre patiemment. TB (pour le potentiel), je pense toutefois que Javernières est plus réussi sur ce millésime.

  • Javernières 2011 :

Robe dense, jeune (on commence à se répéter forcément…). Nez sur les fruits noirs, avec des notes de zan également. Bouche bien équilibrée et qui demande de l’air, finale légèrement asséchante (élevage). Bien construit, bel avenir si l’élevage sait s’intégrer plus harmonieusement. TB-

  • James 2011 :

Robe « Noir c’est noir ». Nez surprenant qui part un peu dans tous les sens. En bouche, c’est compact, acide et tanique, bref pas prêt du tout du tout ! B (car pas de défauts rédhibitoires à ce stade).

  • Javernières 2012 :

La belle surprise viendra des deux 2012… Javernières présente une robe claire, déjà un peu évoluée. Nez est très expressif sur la cerise. Ca morgonne ! La bouche est harmonieuse, confortable et gouleyante, c’est très bon et à point. TB+ (pour le plaisir actuel que propose ce vin)

  • James 2012 :

James présente tout à fait le même profil que Javernières sur ce millésime avec un peu plus de puissance. Ce qui permet d’être optimiste pour les 5 prochaines années si on ne veut pas le boire tout de suite (ce que je vous engage toutefois à faire !). TB+ également

  • Javernières 2013 :

Robe moyennement dense, début d’évolution. Nez sur les fruits noirs et le café. La bouche est dure et asséchante, en plus d’être acide et austère… Je ne reconnais pas ce vin que j’ai goûté à de nombreuses reprises. AB- sur cette bouteille qui n’est peut-être pas représentative.

  • James 2013 :

On retrouve l’austérité de Javernières mais le vin offre plus de matière et de moelleux en bouche, ce qui vient compenser l’acidité et la dureté des tanins. Le côté asséchant est moins présent également. A attendre. B en espérant que l’austérité disparaisse petit à petit.

  • Javernières 2014 :

Robe moyennement dense, pas d’évolution. Nez jeune, frais, expressif… bref, très plaisant ! Après 2013, l’effet de séquence joue à plein et on trouve la bouche fluide et gouleyante alors qu’il y a quand même du vin. C’est beaucoup plus accessible que 2013 et à boire dans les 5 ans selon moi. Pas de notes d’élevage sur cette bouteille. B+

  • James 2014 :

Robe un peu plus dense. Nez jeune, poivré et sur les fruits rouges frais. Bouche encore une fois plus moelleuse que Javernières, élevage très bien intégré et matière mûre et fraîche sans aspérité. On peut commencer à le goûter mais il sera plus intéressant dans quelques années. TB

  • Javernières 2015 :

Je commence à avoir de sérieux doutes sur ce vin. Ce n’est pas la première fois que j’y retrouve des notes d’éthanal et de végétal au nez comme en bouche qui laissent penser à une oxydation. La bouche est toutefois pleine et bien construite, ce qui offre une perspective d’avenir si l’aromatique n’est pas troublé de la sorte. Cette bouteille est défaillante en tout cas.

  • James 2015 :

Robe « Noir c’est noir » bis. Nez frais de cassis, bien ouvert mais simple. Bouche dense, moelleuse, pleine et aux tanins denses et mûrs, sans aucun déficit de fraîcheur. Tout laisse à penser que ce millésime de James suivra avec brio le chemin emprunté par les 2003 et 2009. EXC+ (davantage pour le potentiel aujourd’hui évidemment même si on prend déjà beaucoup de plaisir)

  • Javernières 2016 :

Robe violine. Nez très fruité (cerise) avec quelques notes d’élevage en arrière-plan. Bouche moelleuse (inédit sur cette cuvée), très fruitée, d'un équilibre parfait reposant sur la vendange entière (notes de ronce) et offrant beaucoup de plaisir. L’élevage et la tanicité me semblent parfaitement mesurés pour un vieillissement harmonieux. C’est une grande réussite et le meilleur Javernières de la journée. EXC

  • James 2016 :

Robe violine. Nez très puissant sur les fruits noirs et la fraise compotée. Bouche tonique, moelleuse, riche et très fruitée. Toujours « Monsieur plus » en somme, mais sur ce millésime, cela ne donne pas forcément un vin plus abouti que le distingué Javernières. EXC aussi et d’avenir.

  • Javernières 2017 : échantillon pris sur fûts

Les tanins de bois sont présents en bouche. Il goûte toutefois beaucoup mieux que mes précédentes expériences sur fûts avec davantage de fruit et un élevage moins imposant. A revoir en bouteille dans quelques mois. B en l’état.

  • James 2017 : échantillon pris sur fûts

A noter que cette année est exceptionnelle car en raison de la grêle, la récolte est minuscule et la vendange a été égrappée à 50% environ. Beaucoup de fruit et de l’élevage mais que je trouve (comme toujours) mieux intégré que sur Javernières. L’équilibre est parfait par ailleurs. EXC (beau potentiel)

 

Voilà, 4 heures de dégustation plus tard, je peux me faire une idée un peu plus précise de James et Javernières… Ce n’est pas faute de les avoir beaucoup goûtés depuis 10 ans mais rien ne remplace une dégustation comme celle-là pour comparer les deux cuvées et voir leur comportement au fil des millésimes. J’en tire quelques enseignements :

  • On peut commencer par une évidence, c’est que les petits millésimes sont à boire plutôt jeunes (la fourchette 4-8 ans me semble optimale, jusqu’à 10) et les grands demandent du temps (10-20 ans, sans doute plus mais ça reste à vérifier bien sûr !).
  • Les millésimes chauds sont particulièrement réussis avec des James de très haut vol en 2003, 2006, 2009 et 2015. Parmi les plus grands gamays que j’ai bus (le réchauffement climatique a donc eu un effet positif ici). Et ils vieillissent bien mieux que les millésimes plus frais, ce qui donne à réfléchir, notamment à tous ceux qui pensent qu’il faut de hautes acidités pour tenir le vin dans le temps…
  • Je trouve les élevages systématiquement plus impactant dans Javernières que dans James ; il y a des millésimes où ça passe et d’autres (les plus difficiles comme 2007, 2008, 2013) où ça ne passe pas du tout. Je pense que la matière importante de James, son moelleux, sa tanicité naturelle, permettent de beaucoup mieux digérer les tanins de bois. A noter qu’à partir de 2014, les élevages me semblent bien mieux intégrés sur les deux cuvées (cela reste à confirmer pour 2017).

Merci de m’avoir lu, et surtout merci à Jean-Marc Burgaud d’avoir offert ce grand moment de dégustation !